À présent, My Witt était seule au bureau et regardait les polaroïds du vernissage en buvant un verre de vin. Linda et elle avaient pris presque cinq cents clichés. Cela coûtait la peau des fesses, mais elle avait un plan. Elle pourrait réaliser une installation consacrée à la fête. Porn Star Party. Une installation avec des photos d’une fête. Puis en organiser une autre et la documenter aussi. Une fête avec des célébrités où les gens viennent pour voir des personnes connues. Il y avait quelque chose là-dedans. Une espèce de commentaire sur la jet-set. Une méta-plaisanterie à la Warhol. Il s’agissait juste de trouver le bon titre. L’angle d’attaque approprié. Un texte qui orientait dans la direction idoine. Peut-être était-il possible d’y mêler Internet d’une manière ou d’une autre. Commentaires culturels en temps réel. Il fallait absolument qu’elle en parle avec Webb-Christoffer pour voir si on pouvait tout poster sur http://www.mywitt.com. Un miroir déformant de la mafia de la culture. Une histoire de matriochkas. Avec le bon pitch, on peut vendre quasiment n’importe quoi. (« Le chef-d’œuvre de mademoiselle Witt »)
My Witt était satisfaite. Incroyablement satisfaite. La galerie n’avait pas désempli depuis six jours. Rarissime, pour une installation photographique. My n’avait jamais rien entendu de tel. Un défilé incessant de curieux. Des journalistes en pagaille. Tout le gratin du monde culturel. Et puis elle vendait bien. Porn Star était explosif. Controversé. Le truc de la semaine. Du mois même. Peut-être de l’année. On en parlait beaucoup sur les sites culturels et les blogs féministes. Certains étaient furieux et cela depuis des semaines. Bien avant le vernissage. Il y avait eu beaucoup de fumée avant même qu’on n’ait vu le feu. Beaucoup de cancans sur la galerie. Beaucoup de « tu es au courant ? » et d’exaspération mal dissimulée. De nombreuses controverses. Les gens se déchaînaient. My se régalait. (« Le chef-d’œuvre de mademoiselle Witt »)