Autant de femmes et… rien pour lui !
Il n’avait plus de passé. Plus rien puisque les fragiles souvenirs ne pouvaient, immédiatement, se comparer à rien de réel.
Il était comme ces mecs des films anciens. Ceux qui, Européens perdus au fond de la brousse, sortaient un ticket de métro, le respiraient profondément et, pâmés, s’exclamaient : « Paname, place d’Italie… »
Au fond, il n’existait déjà plus.
Il allait faire, pour cette fille, la seule chose dont il était capable.
Quant à s’interroger sur la nature réelle d’un tel geste – héroïsme ou lâcheté ? –, il n’en avait strictement rien à foutre.
Il fallait le faire, c’est tout.
Les lunettes réajustées correspondaient, chez lui, à une prise de décision.
La cause était entendue : il irait.
Le cœur fou, une aura d’allégresse, un flot de bonheur potentiel qui vous porte et vous pousse jusqu’à la fille et là, généralement, tout s’effondre.
Que dire ? Où sont passés ces mots merveilleux qui se bousculaient, quelques secondes plus tôt, juste avant que vous ne l’abordiez ? Pourquoi ce silence qui vous dessert, mettant en relief tous vos défauts : paupières tombantes, nez retroussé, etc ?
Plus rien à raconter. Plus qu’un corps de trente ans qui en fait quarante et que lui-même appréhende comme celui d’un adolescent.
Et dans la tête plus aucune image. Rien qu’une tête pleine de poussière.
Le nombre d’Arabes, d’Africains et d’Antillais le surprit sans le choquer. Il n’était pas raciste tout simplement parce que lui-même, pendant dix ans, avait été un étranger. Et puis, dans la famille, ça ne se faisait pas.
Sûrement à l’école que ça se décide ce qu’on sera plus tard. Enfin, pas le métier, plutôt le genre de mec…
La vie est difficile ! On fait ce qu’on peut, quand on le peut…