L'étang noir était rouge

Elle était jolie, mais, en dépit de son flair inné de prédateur de jupons, il ne parvenait pas à savoir dans quelle catégorie de « luciolites » la classer. Il avait une certitude, en tout cas : elle affectait un air affranchi qui lui allait très mal, tout comme l’accoutrement sexy dont elle avait cru nécessaire de s’affubler. Sans doute cherchait-elle à être confondue avec ces écervelées qui fument de l’herbe, rient très fort et tortillent du « popotin » pour essayer de prouver aux autres, et surtout à elles-mêmes, qu’elles existent…

Moi qui m’étais juré de ne jamais me marier avec un gendarme, eh bien, crois moi, si celui-là me demandait ma main, je la lui donnerais sans hésitation… la main et le reste, bien sûr.

— Il est donc possible que l’on ait profité de son état d’ébriété pour l’assassiner ou bien qu’on l’ait fait boire dans cette intention.
— Intéressant, en effet ! Voilà qui peut expliquer pourquoi un homme aussi vigoureux que lui a pu se laisser assassiner sans opposer de résistance…
— Et permet d’imaginer qu’il connaissait suffisamment son meurtrier pour boire en sa compagnie, sans méfiance.

Entre autres penchants immoraux, l’esprit de rapine s’y donnait libre cours, incitant certains, parmi les plus forts, à s’approprier, par la violence, le maigre bien de leurs compagnons d’infortune. Personnellement, il en avait beaucoup souffert, car, pour ces charognards, sa silhouette gracile faisait de lui une proie de choix.

Certes, les voleurs de poules se font rares de nos jours, mais subsistent les querelles de voisinage, les infractions en tout genre, les incivilités et, surtout, les multiples tâches administratives qui pèsent lourdement sur ses épaules.