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Critique de BazaR


Et voilà, cette fois c'est fini !
Je ressors complètement essoré de ce dernier tome, et ce n'est pas parce que j'ai lu dehors sous la pluie. Les babéliopotes m'avaient pourtant averti que ce troisième tome était une tuerie.

Au début je me suis inquiété. Je ne reconnaissais pas Mara qui n'était plus que haine sauvage et sans réflexion. Certes elle avait des raisons compréhensibles de réagir ainsi, mais au vu de tout ce qu'elle avait traversé auparavant je la croyais invulnérable à ces « faiblesses humaines ». Pour renforcer l'effet, les auteurs ne nous font pas partager ses pensées ; on suit plutôt le point de vue de Hokanu, son mari, qui essaie de percer la carapace.
Il faudra un choc effroyable qui va à nouveau la replonger dans un état de faiblesse et de danger pour rebooster la Dame des Acoma. Et elle n'est jamais plus dangereuse qu'en état d'infériorité, car c'est là qu'elle commence à monter ses plans.

Cependant les dieux savent à quel point l'opposition est de taille. Pour la première fois Mara perd l'avantage dans la guerre du renseignement – cette trilogie est un hymne à l'espionnage –, son génial espion Arasaki trouvant sur sa route un adversaire à sa mesure voire une taille plus grande. Une organisation d'assassin très typée ninja décide qu'elle a un compte de sang à régler avec les Acoma. Et last but not least, le pair de l'Empire se met à dos l'Assemblée des magiciens, dont on découvre les côtés noirs comme leurs robes, certains véritablement abjects qui les met au niveau des Talibans en matière d'obscurantisme.
Car dans leur grande majorité les magiciens sont des traditionalistes, et briser la tradition lorsque celle-ci est éloignée des valeurs démocratiques est le leitmotiv de ce récit. Mara a été éduquée dans la culture de castes tsuranni mais elle a l'un après l'autre brisé ses préjugés – et cela n'a pas été sans mal – et a fini par ne plus supporter l'esclavage, l'inégalité et les luttes stériles pour une valeur dévoyée de l'honneur. Ses luttes pour sa survie se doublent d'une volonté de transformer sa culture, de l'emmener vers quelque chose de plus… américain en fait.
Raymond E. Feist et Janny Wurts nous disent finalement qu'il ne faut pas qu'on se laisse leurrer par la beauté romantique de la culture japonaise (ou tsurani, c'est pareil). C'est très beau sur le papier, mais c'est aussi extrêmement inégalitaire. « Croyez-nous, nous disent-ils, vous n'aimeriez pas y vivre sauf si vous étiez au sommet de la chaine alimentaire ». Petit à petit la belle construction culturelle glisse et se rapproche de nos valeurs, comme si cela était un optimum.

Je ne veux pas faire trop long. Je résumerai en disant que l'on trouve dans ce tome final un tas de situations succulentes à lire, depuis les dialogues entre Mara et la reine Cho-ja, chef d'oeuvre d'orfèvrerie de communication avec « l'étranger », à l'ouverture vers des régions et des cultures autres, aux côtés sauvages et magnifiques qui ouvrent de nouvelles pistes. Et aussi des exemples de sacrifices personnels terriblement beaux et tristes, et une fin magistrale qui m'a arraché des larmes (eh oui, je suis une petite nature).
Il y a aussi des choses qui m'ont laissé dubitatif. Par exemple ce principe d'égalité qui vient encastrer la croyance en la réincarnation, cette dernière justifiant qu'un individu de basse caste ne fait que payer un mauvais comportement dans une vie passée. Cette croyance est une base religieuse forte et pourtant elle est balayée d'un revers de main par les auteurs. L'extirper des tsurannis devrait être extrêmement long et difficile. Exagéré aussi, l'emploi du pardon et un usage assumé d'un Deus pas seulement ex-machina pour sortir Mara de l'ornière. Mais baste ! Je pourrai critiquer le jour où je pourrai pondre un récit pareil.

On ne m'avait donc pas menti : cette trilogie est absolument incroyable. A placer indéniablement au panthéon de la fantasy. Vous autres qui me lisez, abandonnez vos doutes et plongez.
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