AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de meeva


meeva
17 février 2015
Ce récit a été écrit après deux mois d'entretien avec Christiane F. lorsqu'elle avait quinze ans. Elle raconte sa descente dans le monde des drogues dures, marche après marche.
Après avoir évoqué rapidement son enfance, pour expliquer le contexte de sa vie, elle détaille ses premières prises de drogue jusqu'aux piqures d'héroïne, et la prostitution pour les financer, à quatorze ans.


Dans la deuxième moitié du livre, des passages deviennent répétitifs, mais cela décrit bien le quotidien des drogués, chaque jour identique au précédent : chercher l'argent pour la drogue, acheter la drogue, prendre la drogue… Sauf si quelque ennui supplémentaire, quelque malheur supplémentaire, vient troubler ce quotidien fait de répétitions.


La force du récit est que Christiane donne son point de vue au moment des faits : elle ne diabolise pas la drogue, mais serait-elle allée en prendre si elle considérait la drogue si dangereuse ? Bien sûr que non. Alors en effet il est mis en avant un aspect cool de la drogue et des fixers.
Mais au court du récit, ce point de vue évolue : ces gens si cool, si solidaires deviennent individualistes lorsqu'ils sont vraiment dépendants, c'est alors chacun pour soi, cela Christiane le dit aussi à plusieurs reprises.


Sa relation avec Detlev, seize ans lorsqu'elle en a treize, est très émouvante. Parce que dans leur attitude au lit, avant qu'ils aient eu un rapport sexuel ensemble, et alors que Detlev se prostitue déjà pour payer leur came à tous les deux, on comprend que ce sont encore des enfants.
Parce que dans la délicatesse dont il fait preuve à l'égard de Christiane dans leurs rapports sexuels, on comprend qu'il garde de la gentillesse, malgré la dureté de la vie qu'il connait, malgré la dureté dont il peut faire preuve par ailleurs.
Ce regard neutre sur les gens, des méchants et des gentils dans toutes les catégories, on le retrouve lorsqu'elle parle des clients de la prostitution.


Au fil de quelques réflexions, Christiane analyse de manière très lucide sa situation, sans jamais tomber dans le pathos, sans jamais donner l'impression de se chercher des excuses.
Par exemple, elle n'accable pas ses parents de reproches.
Elle n'accable même pas les michetons, les clients des prostitués. Elle voit en eux souvent des pauvres types, malades eux-mêmes, dont la place serait plutôt en thérapie qu'en prison.


Mais elle met le doigt sur tout un tas de circonstances qui ont pu la mener aux drogues : violence familiale, multiplication des interdits à l'égard des enfants dans la cité Gropius où elle vivait, système scolaire favorisant l'anonymat des élèves et la compétition entre eux, omniprésence des drogues à Berlin, situation favorable à de nombreuses personnes (vendeurs de drogues, consommateurs de prostituées, sectes et mouvements religieux voire politiques), absence de dialogue et surtout d'écoute à son égard de la part de ses parents et de tous les adultes qu'elle peut côtoyer…


Le point de vue de la mère de Christiane, qui entrecoupe brièvement le reste du récit, est intéressant. Dans son décalage de point de vue, il montre que certaines choses ne se devinent pas sans être dites et il montre donc les méfaits du manque de communication dans les familles.


La lecture de ce livre ne laisse pas indifférent. On se dit qu'il s'agit d'un cas extrême, on comprend que personne n'est à blâmer, individuellement. Il faut tout un tas de circonstances réunies pour qu'une fille tombe si bas.
Oui, mais ça veut dire qu'il y avait aussi tout un tas de circonstances dans lesquelles des gens auraient pu lui venir en aide, lui éviter de tomber encore plus bas une ou deux fois. Et personne ne l'a fait. Ou trop tard.


Et finalement, j'ai souvent l'impression que c'est dégueulasse que les gens ne fassent rien pour aider les plus fragiles ou les plus démunis. Mais dans mon idée, les gens, c'est toujours les autres…
Et je me retrouve à donner 1€50 quand une pauvre fille grelottante sous la neige avec son chien demande 1€08. Et c'est le soir au chaud dans mon lit que je me demande pourquoi je n'ai pas donné plus…


Enfin, une petite recherche sur internet sur le devenir de Christiane F. répond à la question : la vie est-elle un putain de conte de fée ?



Musicalement, de bon ton, avec un clip qui me fait un peu penser à Burton, ou à Caro et Jeunet :

« […]
Tu le vois venir de loin,
c'est ton soleil qui revient,
avec sa sale petite gueule d'enculé,
t'es sûr que ce mec-là,
il va t'arnaquer.
Mais déjà tu flippes comme un chien,
de peur qu'il te dise qu'il n'a rien,
mais quand il tend sa merde avec mépris,
tu vas même jusqu'à lui dire merci.
Tu voudrais la sentir déjà
au creux de ton bras,
la femme de ceux qui n'en n'ont pas.
[…] »

(extrait de « Au creux de ton bras », de l'album « La marmaille nue » de Mano Solo :
https://www.youtube.com/watch?v=REBBpmOZOFA )
Commenter  J’apprécie          211



Ont apprécié cette critique (12)voir plus




{* *}