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Critique de Eric75


Eric75
29 décembre 2011
En 1873, le chef des Cheyennes du Nord Little Wolf (1820-1904) se rend à Washington et y rencontre le président américain Ulysses S. Grant. La teneur des propos échangés demeure à ce jour inconnue. Fin de la réalité historique. A partir de là, Jim Fergus imagine la trame de Mille femmes blanches, lesquelles sont réclamées lors d'un improbable troc en échange de mille chevaux, dont « cinq cents bêtes sauvages et cinq cents autres déjà dressées ». le problème de ce roman, primé et adulé par les aficionados (400.000 exemplaires vendus en France, soit presque deux fois plus qu'aux États-Unis, prix du Premier roman étranger en 2000) est qu'il repose sur deux petites malhonnêtetés intellectuelles.
La première tient entièrement dans l'introduction et le prologue, très bien amenés, mais qui font croire en effet à un scénario bien plus ancré dans la réalité qu'il ne l'est réellement, en mélangeant documents familiaux et rapport officiels, personnages de fiction et personnages réels. La seconde réside dans l'anachronisme des mentalités des protagonistes (notamment des femmes blanches en question) qui, pour sympathiques qu'elles soient, me semblent parfaitement invraisemblables au beau milieu du XIXème siècle. Patience, je m'explique.
Le premier artifice fait à mon avis s'écrouler tout l'intérêt que l'on pourrait porter au roman. le récit des carnets de May Dodd serait en effet beaucoup plus accrocheur si on lui reconnaissait un semblant de réalité historique, si le programme FBI (Femmes Blanches pour les Indiens) avait été un épisode avéré de l'histoire des Indiens des Plaines. C'est une belle histoire, mais qui reste malheureusement virtuelle, malgré le style « autofiction » du récit. A ranger du côté des contes de fées, hélas.
Le second artifice est également indispensable à la crédibilité et à la cohérence du récit. Les femmes des années 1870 (les carnets datent de 1875-1876) étaient donc tellement émancipées qu'elles ont accepté sans rechigner de vivre Woodstock un siècle plus tôt. Personne ne peut y croire un instant. On connait le puritanisme ambiant de l'époque. le roman de Jim Fergus surfe de fait sur la vague du succès de « Danse avec les loups » (1990), film ayant, avec quelques autres, réhabilité les indiens d'Amérique du Nord pour leur côté écolo et new âge, et qui sont devenus très tendances depuis.
La réalité est tout autre. Dressée-avec-le-Poing, personnage du film « Danse avec les loups » est inspirée de Cynthia Ann Parker. Cette femme blanche (une seule femme, donc) a été capturée en 1836 et enlevée à l'âge de neuf ans par des Comanches qui ont massacré, torturé et violé sa famille lors du massacre de fort Parker. Intégrée dans la communauté, elle a été également violée et torturée, tout en étant fortement discriminée par les Comanches. Elle a été adoptée comme épouse du chef comanche Peta Nocona. Elle est restée avec les Comanches pendant 24 ans.
Dressée-avec-le-Poing et Danse-avec-les-loups, immortalisés au cinéma par Mary McDonnell et Kevin Costner, forment un couple épatant et inoubliable, mais loin de la réalité. May Dodd et Little Wolf pourraient accéder à la même notoriété si le scénario de Mille femmes blanches était un jour porté à l'écran (Hollywood a acheté les droits et Jim Fergus aurait déjà écrit plusieurs moutures de scénario). Mais ils seront, eux aussi, assez loin de la réalité.
Pour finir, j'ai trouvé qu'il manquait à Mille femmes blanches le souffle épique qui aurait convenu à ce genre de roman, et malgré ses louables intentions – faire connaître et faire apprécier la culture des amérindiens, dénoncer le comportement et la traîtrise des hommes blancs – ce roman n'a pas été à la hauteur de mes attentes. N'est pas Michael Blake qui veut.
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