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Critique de Sokleine


Un roman historique poignant, magnifiquement écrit, qui plonge le lecteur dans l'enfer et l'absurdité de la guerre de 14-18, dite la Grande Guerre.

2 août 1914. Dans un petit village des Landes, les cloches de l'église sonnent à toute volée, la guerre vient d'être déclarée. « Par décret du président de la République, la mobilisation des armées de terre et de mer est ordonnée, ainsi que la réquisition des animaux, voitures et harnais nécessaires au complément de ces armées. »
Jules, comme « tout français soumis aux obligations militaires » se voit contraint de quitter sa famille et de rejoindre immédiatement son régiment. Avec un arrière-goût d'amertume et rempli de doute, il laisse derrière lui, dans la ferme familiale, Félicité, son épouse bien-aimée, Antoine, son fils d'à peine deux ans, Julia sa mère, une femme aigrie et dure, enfin Prince son chien dévoué, un superbe colley qu'il a élevé patiemment et qui lui voue affection et fidélité. de nombreux conscrits, des jeunes qui, pour la plupart, n'ont jamais quitté leur région mais qui ont une certaine soif d'aventure et de revanche s'en vont la fleur au fusil, vêtus de leur ridicule pantalon rouge, de leur veste à boutons dorés, et d'un simple képi sur la tête. Ils sont persuadés que la guerre ne va durer que quelques semaines et qu'ils seront de retour pour finir les moissons. Celle qu'on croira la « der des der » s'éternisera pendant quatre ans. Une boucherie abominable et un absurde gâchis.

Dans la guerre, un titre parfait pour un roman bouleversant où le lecteur est entraîné malgré lui dans un conflit meurtrier. Confronté à l'enfer des tranchées, aux obus qui sifflent sournoisement et viennent faucher des vies, aux marches interminables en rase campagne, aux ordres contradictoires, il partage la vie de quelques soldats Jules, Brêle, Joseph, Arteguy, Rousseau et le lieutenant Jean Bourgeois, sans oublier le fidèle Prince devenu chien soldat et mascotte du régiment. Certains hommes, qu'on croyait éternels, mourront hélas au combat, comme tant d'autres. Les cadavres, souvent en morceaux, se comptent par centaines de milliers, jonchent le sol et seront inhumés sur place dans des fosses creusées par leurs camarades. Les descriptions de cette horreur quotidienne sont d'un réalisme saisissant presque insoutenable. Et pourtant l'autrice ne fait que relater la vérité sur un absurde massacre qu'on ne voudrait plus jamais voir.

Et pendant ce temps, les femmes qui ont vu partir leurs maris, leurs fils, leurs frères, font front, s'organisent et prennent en charge courageusement et efficacement les travaux des champs ou de la ferme. Même à bout de force et dans une angoisse permanente, elles se mobilisent dans l'espoir que les hommes reviendront sains et saufs de la guerre et reprendront leurs place comme au temps du bonheur. Dans la ferme de Jules, pourtant, la cohabitation belle-mère - belle-fille est difficile. Mesquineries, jalousie, hostilités et coups bas font partie du quotidien.

J'ai beaucoup aimé ce roman et en conseille vivement la lecture. La plume d'Alice Ferney est absolument magnifique, tous les mots y sont choisis avec réalisme et précision. Et que dire de la lenteur de la première moitié de l'ouvrage, avec des textes très denses, sans aération, où les dialogues sont encastrés dans des pages sans paragraphes. Cela crée une atmosphère étouffante à la limite du supportable, si bien qu'une pause pour reprendre son souffle est parfois nécessaire. La guerre s'éternise et le lecteur en est le premier témoin. Dans la guerre est un roman puissant, un roman dont le décor est la première guerre mondiale, un de plus pourrait-on dire. Mais celui-ci est écrit par une femme avec toute sa sensibilité. Elle n'a pas uniquement souhaité relater des faits historiques, des batailles meurtrières, elle s'est attachée à décrire des sentiments humains, des ressentis, des émotions, des doutes, des réflexions sur l'absurdité de la guerre. C'est cet aspect qui m'a profondément touchée.

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