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Critique de nadejda


Le roman débute par une photo, prise pendant une journée caniculaire de l'été 1918, dans la cour de l'école du village où un photographe ambulant a tendu un drap blanc entre deux tréteaux, Marcel contemple d'abord le spectacle de sa propre absence. «Tous ceux qui vont bientôt l'entourer de leurs soins, peut-être de leur amour, sont là mais, en vérité, aucun d'eux ne pense à lui et il ne manque à personne.»
Marcel Antonetti, pas encore né, est absent sur la photo prise l'été en 1918 et il deviendra le fils d'un autre absent sur cette même photo, son père, «fait prisonnier dans les Ardennes au cours des premiers combats qui travaille depuis le début de la guerre dans une mine de sel en Basse-Silésie».
Ce père rentrera au village en février 1919 afin que Marcel puisse voir le jour. «Ses cils ont brûlé, les ongles de ses mains sont comme rongés par l'acide et l'on voit sur ses lèvres craquelées les traces blanches de peaux mortes dont il ne pourra jamais se débarrasser.»

Toute l'histoire des membres de cette famille, ceux qui sont sur la photo et leurs descendants est dès le départ placée sous le signe de la décomposition et de l'absence.
 S'absenter du monde, en détourner le regard en se réfugiant dans ce village Corse qui les a vu naître et qu'ils avaient essayé de quitter, comme le feront Marcel Antonetti et son petit-fils Mathieu, ne les empêchera pas d' être rattraper par la corruption, envahis par des nécroses qui naissent de l'extérieur mais aussi du tréfonds de l'âme de chacun des protagonistes de cette histoire sombre. Les Empires romain, coloniaux sont gangrénés et comme les corps ils naissent, vivent et finissent par s'écrouler et disparaître sans que les hommes voient venir leur fin parce qu'ils préfèrent ne pas en découvrir les prémices annonciateurs et réaliser qu'ils y ont tous participé.
Je retiens au milieu de cette sombre beauté celle plus lumineuse d'Aurélie la soeur de Mathieu qui part en Algérie faire des fouilles à Annaba, anciennement Hippone dont Augustin fut évêque.
Elle reviendra elle-aussi dans son village mais elle aura intériorisé ses déceptions et aura gagné en lucidité sur les autres et sur elle-même.

«Aurélie comprenait qu'il n'y avait qu'un endroit où elle pourrait vivre librement sa relation avec Massinissa (algérien qui participe avec elle aux fouilles) et cet endroit n'était ni la France, ni l'Algérie, il relevait du temps, non de l'espace, et n'était pas situé dans les limites du monde. C'était un morceau de Ve siècle, qui subsistait dans les pierres effondrées d'Hippone où l'ombre d'Augustin célébrait encore les noces secrètes de ceux qui lui étaient chers et ne pouvait s'unir nulle part ailleurs.»
Si elle-aussi s'absente, elle le fait en sachant pourquoi :
«Elle ne lui laissa pas de lettre. Elle ne voulait pas lui laisser autre chose que son absence car c'est par son absence qu'elle hanterait Massinissa pour toujours, comme le baiser d'une princesse disparue hantait encore le roi numide qui portait son nom.»
Massinissa fut le roi numide qui intégra Hippone à son royaume et Aurélie est la seule qui en elle-même réunit des mondes disparus comme elle relie au sein de sa famille les différentes générations.

«Le sermon sur la chute de Rome» est d'une grande force et l'on n'échappe pas à son emprise. J'en ferai une seconde lecture pour en apprécier encore plus l'écriture en sachant qu'elle n'en adoucira pas l'effet corrosif.
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