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Critique de raton-liseur


Un livre dur, certes. Qui explore l'état d'esprit qui a pu animer les tortionnaires de la Guerre d'Algérie. Romançant un épisode réel de ce qui est longtemps resté des « évènements » (le livre est très vraisemblablement inspiré, malgré les changements de noms et de dates, de l'arrestation, le 23 février 1957, de Larbi Ben M'hidi, membre du FLN et organisateur des premiers attentats à Alger. Il fut exécuté dans la nuit du 3 au 4 mars 1957, par pendaison maquillée en suicide. le général Bigeard lui avait rendu un hommage militaire avant de le confier aux Services Spéciaux du général Aussaresses qui l'exécutèrent.), il oppose deux hommes qui, malgré des parcours similaires (notamment la participation à la débâcle militaire de Diên Biên Phu en Indochine à peine trois ans plus tôt et l'internement dans un camp de « rééducation » Viêt Minh), réagissent de façon diamétralement opposée au rôle qui leur est confié pendant la Guerre d'Algérie, une guerre du renseignement, le renseignement à tout prix.
Si l'un s'accommode de son rôle de tortionnaire, y voyant une façon de prouver sa loyauté et, me semble-t-il, y laissant s'exprimer ses instincts les plus noirs et, en temps ordinaire, inavouables, l'autre ne supporte pas ce qu'il considère comme une trahison de ce qui a motivé son engagement militaire.

Ce livre est écrit, et c'est voulu je pense, dans un style plat et psalmodiant. « Chirurgical » disent certaines critiques. Si la volonté est pour l'auteur de rester à distance, cela m'a aussi laissée moi lectrice à distance, glissant sur ce plat sans jamais accrocher.
Et, si je respecte l'abîme moral et la difficulté de vivre avec soi-même lorsque l'on a accompli de telles exactions, je trouve la frontière entre la douleur du bourreau et celle de la victime trop fine, comme mettant les deux sur un pied d'égalité, au point d'en devenir obscène.
D'autres choses me gênent dans ce livre, comme la sensation que la torture morale (menacer quelqu'un de torturer ses enfants, sa femme, par exemple) est plus acceptable, plus facile à supporter pour le bourreau, comme si c'était une torture plus propre que la gégène… Ou encore le côté mystique du livre, où le bourreau torturé par ses états d'âme se compare à Ponce Pilate (avant et après la condamnation de Jésus, pas au moment où il s'en lave les mains, étrangement) et même se compare à Jésus sur le Mont des Oliviers (brouillant encore une fois la frontière entre bourreau et victime). Tout cela me paraît un peu excessif.
Un livre duquel je suis restée au-dehors, même si je comprends l'engouement (mérité) qu'il a suscité lors de sa parution. Il a en quelque sorte au moins le mérite de montrer que l'histoire est écrite par les vainqueurs (le débat, trop timide, qui entoure la Guerre d'Algérie aurait été très différent si elle ne s'était terminée par l'indépendance de ces quatre départements français) et, plus personnellement, il m'aura fait me pencher sur une période de notre histoire récente que, je peine à l'avouer, je connais très mal.
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