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Citations sur Où j'ai laissé mon âme (57)

J'aimais votre solitude et votre silence, mon frère, mon capitaine, j'aimais votre gaieté, j'en venais même à aimer votre piété, moi qui savais qu'au-delà des nuages de la mousson le ciel immense était vide, et l'univers aveugle, et je vous accompagnais à la messe où nous écoutions sous la pluie l'homélie d'un aumônier hagard qui levait son calice derrière un autel de planches et de tréteaux rouillés, indifférent au sifflements des obus de 105, et regardait s'incliner toutes ensemble les nuques blafardes des officiers, comme si le poids d'une caresse invisible les courbait doucement vers la terre.
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Nous roulions dans la nuit en dehors de la ville, nous survolions la baie, ils étaient silencieux à l'arrière du camion ou dans l'hélicoptère, ils ne pleuraient pas, ils ne suppliaient pas, il n'y avait plus en eux ni désir ni révolte, et ils basculaient sans un cri dans la fosse commune, ils tombaient vers la mer dans une longue chute silencieuse, ils n'avaient pas peur, je le sais parce que j'ai regardé chacun d'entre eux dans les yeux, comme je le devais, mon capitaine, la mort est une affaire sérieuse, mais ils n'avaient pas peur, nous leur avons rendu la mort douce, nous avons fait cela pour eux, ils me rendaient mon regard, ils voyaient mon visage et leurs yeux étaient vides, je m'en souviens très bien, on n'y trouvait aucune trace de haine, aucun jugement, aucune nostalgie, on n'y trouvait plus rien si ce n'est peut-être la paix et le soulagement d'être enfin libérés car grâce à nous, mon capitaine, aucun d'eux ne pouvait plus ignorer que le corps est un tombeau.
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En tout homme se perpétue la mémoire de l’humanité entière. Et l’immensité de tout ce qu’il y a à savoir, chacun le sait déjà. C’est pourquoi il n’y aura pas de pardon. p 146
(...) Bien sûr, Jeanne-Marie, quelqu’un demeure à l’abri de ton coeur aimant, là où rien ne peut l’atteindre, et aussi dans le coeur des enfants, mais ce n’est pas moi. Moi, je n’ai pas de demeure, pas même en enfer. Mes bras qui se tendent vers vous devraient tomber en cendres. Les pages du Livre saint devraient brûler mes yeux. Si vous pouviez voir ce que je suis, vous vous voileriez la face et Claudie se détournerait de moi avec horreur. C’est ainsi. Quelque chose surgit de l’homme, quelque chose de hideux, qui n’est pas humain, et c’est pourtant l’essence de l’homme, sa vérité profonde. Tout le reste n’est que mensonge. p 147
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Le capitaine Degorce allume une cigarette qu'il fume avec soin, le front appuyé contre une vitre. Le soleil brille sur la baie et aucun nuage ne passe au-dessus de la mer mais le ciel n'est pas vraiment bleu, il est parsemé de traînées délavées, jaunâtres, qui lui donnent la teinte sale et terne de l'eau d'un étang. Dans ce pays, le ciel n'est jamais bleu, pas même en été, surtout pas en été, quand le vent brûlant du désert efface les contours de la ville dans ses tourbillons de poussière ocre et que s'élèvent des flots morts de la Méditerranée les vapeurs d'une brume éblouissante où tremble la coque rouge des cargos. Il se rappelle les vacances passées en avril, deux ans plus tôt, avec Jeanne-Marie et les enfants, le déjeuner sur la terrasse d'un hôtel de Piana, en face du golfe de Porto, la déchirure incroyablement nette des calanques sur le bleu profond d'un ciel limpide et il a du mal à croire que les rivages qu'il regarde aujourd'hui sont baignés par la même mer, qui s'étend sous le même ciel.
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Le cœur des hommes est un tel mystère. Le cœur de celui-ci est un mystère encore plus grand
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En 1968, nous avons été libérés et nous sommes rentrés chez nous. Je n'avais pas revu mon village depuis mon retour d'Indochine mais j'y avais toujours ma maison et une place au cimetière. J'ai passé des années sans adresser la parole aux militants communistes avec qui j'avais joué pendant mon enfance et eux me regardaient comme si j'étais le diable. Mais tout est si léger, mon capitaine, tout s'oublie si vite, la haine devient froide et puis la froideur s'estompe et nous nous sommes retrouvés à faire des parties de contrée, dans le bar du village, l'hiver au coin du feu et l'été sous la treille, jusqu'à ce que nous soyons tous devenus vieux.
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Aucune victime n'a jamais eu le moindre mal à se transformer en bourreau, au plus petit changement de circonstances
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Le monde est vieux, il est si vieux mon capitaine, et les hommes ont si peu de mémoire.
Nous disparaissons comme des générations de fourmis et tout doit être recommencé.
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Car j’ai aussi appris que le mal n’est pas l’opposé du bien : les frontières du bien et du mal sont brouillées, ils se mêlent l’un à l’autre et deviennent indiscernables dans la morne grisaille qui recouvre tout et c’est cela, le mal.
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Chaque matin, il faut retrouver la honte d’être soi-même. Mais avant cela est accordée la grâce d’un répit secret. Le rêve de la nuit se désagrège et se replie dans les ténèbres, ne laissant subsister dans le coeur du capitaine André Degorce que la vague prémonition d’un deuil à mener. Il n’a pas de passé, pas de famille, pas de nom. Il est simplement allongé sur son lit, les yeux ouverts sur la lumière d’une aube qu’il ne reconnaît pas. P 71
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