J'ARRIVE OÙ JE SUIS ÉTRANGER ( LOUIS ARAGON)
Rien n'est précaire comme vivre
Rien comme être n'est passager
C'est un peu fondre comme le givre
Et pour le vent être léger
J'arrive où je suis étranger,
Un jour tu passes la frontière
D'où viens-tu mais où vas-tu donc
Demain qu'importe et qu'importe hier
Le coeur change avec le chardon
Tout est sans rime ni pardon
Passe ton doigt là sur ta tempe
Touche l'enfance de tes yeux
Mieux vaut laisser basses les lampes
La nuit plus longtemps nous va mieux
C'est le grand jour qui se fait vieux
Les arbres sont beaux en automne
Mais l'enfant qu'est-il devenu
Je me regarde et je m'étonne
De ce voyage inconnu
De son visage et ses pieds nus
Peu à peu tu te fais silence
Mais pas assez vite pourtant
Pour ne sentir ta dissemblance
Et sur le toi-même d'antan
Tomber la poussière du temps
C'est long vieillir au bout du compte
Le sable en fuit entre nos doigts
C'est comme une eau froide qui monte
C'est comme une honte qui croît
Un cuir à crier qu'on corroie
C'est long d'être un homme une chose
C'est long de renoncer à tout
Et sens-tu les métamorphoses
Qui se font au-dedans de nous
Lentement plier les genoux
Ô mer amère ô mer profonde
Quelle est l'heure de tes marées
Combien faut- il d'années secondes
À l'homme pour l'homme abjurer
Pourquoi pourquoi ces simagrées
Rien n'est précaire comme vivre
Rien comme être n'est passager
C'est un peu fondre comme le givre
Et pour le vent être léger
J'arrive où je suis étranger
Le poète a toujours raison
Qui voit plus haut que l'horizon
Et le futur est son royaume
Face à notre génération
Je déclare avec Aragon
"La femme est l'avenir de l'homme"
Lecture musicale avec Émilie Marsh (guitare)
Rencontre animée par Christophe Conte
« Je pense à comment on fait l'amour, à comment on tombe amoureux de quelqu'un qui tombe aussi amoureux de vous. Encore une chose lointaine et floue. Je ne peux pas croire que cette chose va arriver un jour, que j'aurai un corps dans le mien, bien emboîté et qui bouge. Je ne pense qu'à ça, à comment ce sera quand je serai grande, libre, et débarrassée de mon petit corps pénible. »
Dans les années 1980, Valentine n'est pas encore Jil Caplan. Premier amour, première chambre de bonne, premier enregistrement. Elle raconte aussi la soif d'indépendance qui la prend dès l'adolescence, les chocs esthétiques qui construisent sa personnalité, la révélation du punk, la vie qui advient dans le désir fulgurant. Et le spleen qui n'est jamais loin. Ce récit d'apprentissage, c'est aussi vingt-trois albums – David Bowie, Siouxsie, Marvin Gaye, The Beach Boys, Jean Ferrat … – qui ont signé son entrée dans la vie et la nôtre.
À lire – Jil Caplan, le feu aux joues, Robert Laffont, 2022.
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