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Critique de Enroute


Papi ronchon reprend la plume et il a beaucoup baissé depuis "la défaite de la pensée". le pamphlet commence par la question de la laïcité à l'école, enchaîne sur celle du féminisme moderne, poursuit par les marottes européennes (Shoah et décolonisation), se prolonge (péniblement) par l'idée que l'on peut avoir des racines sans être raciste, s'étend encore par celle que les technologies envahissantes empêchent le développement de la réflexion qui ne s'exprime plus que par la vulgarité, et s'achève, enfin, par le refus moderne de l'autorité où le "jeune" (celui qui sait ce qu'il veut et s'il ne le sait pas, les autres comme lui sont là pour le lui dire) a remplacé l'élève.

A ce stade, on est bien loin de la laïcité du départ dont on attendait la clôture du sujet, en vain. Ce qui relie tout cela ? l'identité. Qu'est-ce que l'identité ? Au lecteur de s'en faire une idée, qui sera sans doute aussi superficielle que celles que l'auteur a éructées sur le papier. En effet, par la cumulation du contenu de ses fiches "citations" - certainement consciencieusement constituée depuis quarante ans - comme on parcourt le dictionnaire, Alain Finkielkraut présente une réalisation linguistique qui n'est pas sans emprunter sa structure à "Wikipédia", ce qui, pour quelqu'un qui s'apitoie sur la fragmentation de la pensée contemporaine, n'est pas des plus heureux. Si on a lu les textes, on ne voit pas ce que la citation apporte, et, sans doute, si on ne les a pas lus, on ne comprend rien. L'effet d'autorité est aussi certain que l'effet de persuasion est nul.

Car somme toute l'essai ne dit que ceci : "tout part à vau l'eau, rien ne tient, l'école publique de mon enfance, c'était tout de même mieux, qu'on ne vienne pas m'embêter avec ces histoires nauséabondes d'immigration, de colonisation et d'Europe, ça ne m'intéresse pas, vive la République et vive la France". On attendait d'un académicien un peu plus de profondeur et, surtout, un peu plus d'optimisme. Car si on passe sa vie à acquérir des connaissances et qu'on l'achève en laissant pour témoignage que ça ne vaut plus la peine, ceux qui restent se demandent pourquoi ils s'acharneraient à apprendre des choses qui n'ont pas permis à celui qui les sait déjà de dégager la moindre lueur positive.

Par ailleurs, on se demande s'il a bien lu les livres qu'il cite, car sa pensée ne paraît pas, contrairement à ce qu'il soutient, en contradiction avec celles de ces affreux promoteurs du cosmopolitisme, Ulrich Beck et Jean-Marc Ferry - sans doute devait-il chatter pendant ce temps ou regarder la télévision, incorrigible qu'il est à glaner des arguments anti-modernité pour son prochain pamphlet. Il est vrai qu'en leur réglant leur compte en une dizaine de lignes, les arguments manquent pourtant pour soutenir ce point de vue - ou son contraire.

Enfin, si la conclusion de l'essai est que l'on a le droit d'être français sans être raciste, on était en droit de penser qu'il était possible de le faire comprendre en moins de 200 pages. Reste que les questions initiales ne sont pas résolues : pourquoi les autres pays s'offusquent-ils de la laïcité française ? qu'est-ce qui justifie fondamentalement, à l'heure de la mondialisation, la version française de la laïcité si l'essai prétend, en s'appuyant sur Claude Lévi-Strauss, que la communauté culturelle française a bien le droit, comme les autres (mais pas plus ni moins que les autres), d'exister... Bon, disons que j'ai dû lire trop vite...
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