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Critique de Millelivres


C'est le premier livre d'Alain Finkielkraut que je lis, tant son personnage médiatique avait eu le don, jusqu'ici, de m'irriter. Non pour ses idées, mais pour la véhémence un peu ridicule qu'il montre souvent sur les plateaux de télévision, véhémence qu'il semble garder en son privé, et qu'il décrit au chapitre consacré à sa rupture amoureuse : cela « ne méritait pas que je monte sur mes grands chevaux et que je crois bon d'afficher ma sensibilité supérieure aux malheurs du monde ». Dont acte.
Etrange construction que celle de ce livre. Après un premier chapitre où l'auteur s'emploie à prouver qu'il partage l'illusion si commune à tous de vivre une relation amoureuse semblable à nulle autre, il enchaine sur quatre chapitres de bonne tenue philosophique, mais où il abuse du para-discursif. Diantre, pourquoi tant de mots ? Il sort une citation toutes les 3 lignes.
Suivent huit chapitres où il cherche à justifier -avec succès- la réputation de vieux c..rispé d'extrême droite tressée par ses adversaires. (Un Camelot du Roi, écrit-il). S'ajoute à cela deux chapitres inclassables, le 11 où il règle ses comptes avec les humoristes et la bien-pensance de France Inter, et le 13 qui m'a fait l'effet d'un mauvais cours de Terminale sur le Contrat Social de Rousseau. (Le philosophe, pas l'écologiste).
Le résultat est inégal. J'ai adoré les chapitres sur la mort et l'éducation, sans oublier l'idée européenne présentée avant tout comme une aventure culturelle. « Où que vous soyez au monde, vous êtes européen quand vous êtes en train de lire » (Cynthia Ozick).
Sur la mort, il livre des paroles fortes sur l'angoisse qui s'ajoute aujourd'hui à la peur de la mort. La fin de la vie nous terrifie, mais la fin de vie aussi. Chacun est amené à se demander s'il restera lui-même dans ses dernières années, ou s'il connaitra « l'immense chagrin de se savoir en état de destruction mentale » (Rezvani).
Sur l'éducation et le concept de méritocratie républicaine, il montre combien la pédagogie compassionnelle et réparatrice née de la lecture des « Héritiers » de Bourdieu est à l'origine de l'effondrement du niveau scolaire actuel. L'Education Nationale est devenue une fabrique du narquois pour des êtres humains qui naissent libres, égaux et bacheliers. Forcément bacheliers.
Ensuite, il s'emploie à dézinguer avec un plaisir manifeste le wokisme, la cancel culture, le féminisme faux-nez de l'appétit de pouvoir, le trans devenu le « Messie du Je », il dégaine son Renaud Camus et piétine Sandrine Rousseau et Greta Thunberg. Il endosse avec jubilation les habits du Grand-Papa Ronchon de Michel Serres, faisant passer ce dernier, au passage, pour un thuriféraire béat de la société actuelle, ce qui, si mes souvenirs de lecture de « C'était Mieux Avant » sont fidèles, est inexact. Il jubile, et on peut se réjouir avec lui à chaque formule assassine : « Cours magistral, autrefois c'était un pléonasme. Aujourd'hui c'est un oxymore. »
Mais mon plus grand reproche est qu'il reste au niveau du constat. Typique, le dernier chapitre où il liste longuement tout ce qui était mieux avant. Mais sans jamais se demander comment nous en sommes arrivés là. Il cite la phrase de Jaime Semprun : « A quels enfants allons-nous laisser notre monde ? » Ces enfants qui adhèrent à tous les « ismes » délétères qu'il dénonce, sont le produit de l'éducation et des valeurs transmises par sa génération et celle qui a suivi, c'est-à-dire la mienne. Si je partage souvent son constat, ce qui importerait vraiment, aujourd'hui, serait de comprendre où nous avons merdé. Pour que les générations futures fassent leurs propres erreurs et ne recommencent pas les nôtres. Qu'avons-nous fait ou pas fait, qu'aurions-nous dû faire autrement pour que nos enfants et petits-enfants vivent dans un monde plus respirable que celui que nous leur transmettons ? Il me semble que c'est la seule question valable, et Finkielkraut, tout à son archéophilie, se garde bien d'y répondre.
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