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Critique de afriqueah



« Tendre est la nuit… mais il n'y a plus de lumière »J dit le poème de Keats dont s'inspire Fitzgerald dans le titre de son roman.

Dick Diver apparaît dans la première partie du livre séduisant par ses attentions continuelles, plaisant à tous, beau, sensible à l'attrait qu'il provoque, et justement une petite actrice « comme un bourgeon qui s'ouvre », s'éprend éperdument de lui.
Mais il est marié.
Mais il aime sa femme.
Peu importe pour elle, elle le veut.
Et puis, tiens, il est psychiatre.

Dans la deuxième partie, par un retour en arrière dans sa jeunesse pauvre « avec cette sérénité admirable des étudiants, proche plus qu'aucune autre de l'extase mystique » il en vient à souhaiter presque, tellement il est comblé par la vie, qu'une petite fêlure le ronge doucement. Il va être servi, car nous assistons au cours du roman à la destruction quasiment complète de Dick, à la déconstruction d'un homme qui se veut sauveteur et ne prend pas garde aux relations toxiques qui l'entoure.
Tombant amoureux d'une internée de l'hôpital psychiatrique où il travaille,(Nicole/ Zelda) il connaît les dangers du transfert, il se demande bien pourquoi sacrifier sa vie si ce n'est pour être aimé, cependant « cette petite épave, maintenant, à peine sauvée d'un naufrage, lui offrait l'essence de tout un continent. ».

Il s'est en réalité fait acheter par la famille de multimillionnaires de Nicole, (on a les moyens , ce serait bien un docteur tout neuf sorti de l'usine de jouets, au vernis pas encore sec, se disent ils)qui lui ont facilité l'ouverture de la clinique, et la lui ont fait l'épouser.


Se succèdent alors inceste, alcoolisme, schizophrénie, pédophilie déguisée, puisque les deux femmes qu'aime Dick : sa femme, qui le bouleverse lorsqu'elle lui adresse un sourire d'enfant « comme si tous les enfants perdus à travers le monde souriaient en même temps qu'elle »et l'actrice Rosemary( le bourgeon de rose/ l'enfant de Marie) prête à tout pour profiter des avantages que lui donne sa virginité, sont deux enfants qu'il doit sauver.


Et lui qui a sauvé et sauve chaque jour sa femme de la folie, essaie de ne pas avoir l'air d'un gigolo, mais ses rêves presque mystiques achoppent à la réalité.
Et la nuit n'est plus tendre.
Elle est noire, cette nuit, le monde est noir.


Fêlure, donc, celle de Nicole( un peu fêlée), celle de Dick, qui se met à douter de lui, celle de Baby( encore !) la soeur ainée de Nicole, portant en elle toute l'insatisfaction figée des femmes seules, celle de Fitzgerald, dont le roman Gatsby avait été mal accueilli par le public, et dont Tendre est la nuit sonnera le glas. de plus, Zelda, enfermée en Suisse écrit la même histoire, avec sa propre analyse et toute sa hargne, sous le titre : « Accordez moi cette valse » ( le titre aurait pu être : « Merci pour ce moment ») et celle du couple Nicole/ Dick, séparé par la différence sociale, financière et de santé mentale.


Nicole s'accroche à lui puis le jette, c'est bien son droit d'avoir un amant. Il se perd en croyant sauver, il la perd et elle le brise en remettant en cause ses vertus de psychiatre.

Fitzgerald ironise souvent, et pourtant Tendre est la nuit est un livre très moderne sur la dépendance dans l'amour, les simulacres d'amour, les adorations sans amour véritable, la différence de cultures (symbolisée par les parfums : Chanel n·16 de Nicole qui en bonne américaine se douche plusieurs fois par jour, s'étrille, se talque et se parfume) s'opposant aux relents aigres de son amie suisse, ou à l'eau de Cologne de sa servante. Oui l'argent a une odeur de propre.) la peur du vieillissement, la peur d'être aimé pour sa fortune, la peur de tromper et de blesser, la peur du temps qui passe, la peur de rater sa vie, la peur de ne pas être aimé. Tous ces doutes et ces peurs, ce processus de démolition inhérente à toute vie, pense Fitzgerald, côtoient et magnifient la fête, le champagne, les plages de la Côte d'Azur, le tragique se mariant avec le futile, la folie avec les rêves et la recherche d'illumination, le sarcasme avec la mystique. Et toujours l'écriture somptueuse de Fitzgerald, lyrique, drôle, cynique, passionnée, passionnante.
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