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Critique de fanfanouche24


Un immense coup de coeur !!..

Un style fort, fluide et poétique...des sujets captivants abordés au travers de personnages contrastés , chacun, admirable à sa manière, en dépit de leurs failles et leurs défaillances !!

Une très belle lecture qui prend "aux tripes" ...provoquant de grandes émotions en dépit de la pudeur , de la retenue de l'auteure dans sa narration...!

Fortement attirée par l'originalité du traitement du sujet dont le fil conducteur est un livre publié à l'époque (1920)...qui va chambouler la vie de certains villageois et villageoises...
...Remise en question des idées reçues, et surtout sur la condition des femmes...

Resituons le contexte de ce roman : 1920, en France, en milieu rural...
les bouleversements, les changements de mentalités au lendemain de la Grande Guerre, alors que les Femmes ont pris en mains le pays, l'ont fait "marcher", pendant que tous les hommes valides étaient au front...En 1920, la guerre est finie, mais a laissé la France dans un état lamentable, avec toutes les gueules cassées, les blessures, traumatismes à panser !! Ernest Perochon vient de recevoir le Goncourt pour son roman, "Nêne", qui décrit le sort de soumission et de "bête de somme" d'une servante, qui ose "tomber amoureuse"...et en mourra...!!

Le récit débute lorsqu'une paroissienne, Gabrielle défie le prêtre, Adelphe,qu'elle juge trop traditionnel, trop conformiste, enfermé comme chaque homme dans une appréhension trop limitative du rôle des femmes , dans cette période d'après-guerre...Pour le défier, elle lui remet "Nêne", le livre
d'Ernest Perochon, qui vient d'être récompensé par le Goncourt !...

"C'est une sauvageonne qui lui tend le Goncourt de l'année, un roman d'Ernest Pérochon, en sifflant qu'il est édifiant. Sans doute y trouvera-t-il matière à sermon… . "(...) (p. 10)

...Adelphe le lit, se trouve ébranlé dans ses convictions; sa cuisinière, Blanche, ne sait pas lire, mais lui exprime son envie qu'il lui lise ce roman...le soir , après sa journée...Blanche, "servante de son état" comme Nêne.. se met à s'identifier , avec excès, à cette dernière... pour son malheur...dont on ne dira rien... Même si elle apprend à lire grâce au pasteur... Elle s'élèvera socialement... mais la mélancolie persistera...en dépit des efforts louables d'Adelphe , devenu son mari...!


Période chahutée, transitoire... où il faut reconstruire le pays...ainsi que la vie des gens....en bousculant les mentalités anciennes ! Et les femmes, à juste tire, veulent qu'on les prenne dorénavant, vraiment en compte, alors qu'elles ont sauvé , en quelque sorte, la marche économique du pays. Elles ont su remplacer les hommes absents, réquisitionnés au front !

"Il ne s'agissait pas de faire la morale à ces gens-là, elle ne les connaît ni d'Eve ni d'Adam et leurs imbroglios religieux l'indiffèrent. Alors quoi ? Les propos d'Ernest Perochon concernait avant tout les femmes. Ah bon ? Oui, c'est l'histoire d'une double soumission, celle d'une part d'une bête de somme, la servante, au service d'un patron dur à la tâche...et
du coeur; de l'autre celle de la femme, comme toujours née dévouée à la cause des hommes. (...) Un sacré paquet de grain à moudre pour un pasteur, une opportunité de réviser ses sermons en questionnant la raison de ce mauvais sort fait aux femmes; Dieu le voulait-il vraiment, Monsieur Delalande ? "(p. 38)

On s'attache à chaque personnage...avec leurs émotions, leurs doutes, leurs rêves, leur combat contre une destinée toute tracée...Ils s'inspirent de ce livre "Nêne" pour en tirer des leçons et ne pas faire les mêmes erreurs que son "anti-héroïne" !...

Parmi ces personnalités aussi attachantes que faillibles, il y a bien sûr Adelphe, le pasteur serviable, bienveillant avec chacun,...mais aussi Marcel,son ami le curé, adorant les discussions, la contradiction...Un personnage grognon, au coeur d'or !...

De très beaux passages sur leur Amitié dont celui qui suit :
"Marcel était son ami, la seule personne à qui il pouvait s'adresser en toute spontanéité, sans le souci de paraître ni de disparaître. Tout entre eux coulait d'une source instinctive, une sorte de reconnaissance immédiate entre deux consciences ne souhaitant pas tricher avec leurs faiblesses même si le reflet n'était pas toujours des plus glorieux.

Deux hommes qui s'épaulaient l'âme quand elle vacillait chez l'un ou l'autre (...) Toujours là par-delà les divergences, c'était même peut-être cela qui les soudait, ce goût de soupeser, d'opposer leurs petites opinions personnelles, celles dont on croit qu'elles engendrent l'hostilité entre les êtres alors qu'elles sont le plus droit chemin vers le voisin pour peu qu'on les considère avec courtoisie. C'était leur fonds de commerce amical, le plaisir d'aller chercher en l'autre de quoi s'éclairer et s'améliorer." (p. 121)

Comme chaque fois qu'une lecture captive,enthousiasme... j'éprouve bien du mal à quitter la vie des personnages...


***Je remercie aussi vivement l'amie, MarianneL[Librairie Charybde2 ] pour avoir attiré mon attention sur ce texte par sa chronique...1ère rédigée pour ce livre et cette auteure. Je ne regrette qu'une chose : ne pas avoir pu me rendre dernièrement à sa librairie pour la rencontre avec Isabelle Flaten...

Avant que je n'oublie... Je remercie aussi les éditions, "Le Nouvel Attila", qui publient des textes de qualité, avec des maquettes très élégantes...!! Je vais m'intéresser également de près aux autres texte d'Isabelle Flaten...Sans oublier , en premier lieu, de lire avec attention le roman de Ernest Perochon, "Nêne"...
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