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Critique de Alexein


Oeuvre baroque, bizarre, dérangeante, La Tentation de Saint-Antoine est une grande fresque de panthéons dont les divinités et les prophètes se succèdent à un rythme très soutenu dans un grand défilé et vont se perdre dans l'oubli de la nuit des temps, comme des animaux se rendant à l'abattoir. Beaucoup de religions sont ici passées en revue et les dieux prennent la parole : les panthéons grec, égyptien, hébreux,… ainsi que des personnages légendaires comme la Reine de Saba ; tous des illusions, dont le diable tire les ficelles, venant tenter et apitoyer Antoine au cours d'une même nuit éprouvante.

Le personnage de Saint-Antoine, ermite retiré dans le désert égyptien et vivant dans le dénuement le plus complet, est malmené, terrassé, écartelé et broyé par ces visions d'une fantasmagorie de figures mythologiques qui défilent à la tribune pour déblatérer sur le monde et l'anéantissement du culte que les hommes avaient placé en eux. C'est un spectacle complètement foutraque et désarticulé. Bien sûr, il s'agit là d'une hallucination.

Le travail de documentation faramineux qu'a dû entreprendre Flaubert n'est pas à la hauteur de l'effet que je trouve franchement raté. Cet immense effort d'érudition ne passionne que lui et lasse, ennuie dans sa vision presque totalitaire de l'art ; j'ai l'impression d'une quête mystico-religieuse qui débouche sur la mise en scène d'une synthèse d'un cours d'histoire des religions plutôt que sur une oeuvre de littérature. La recherche et l'exactitude documentaires semblent pour lui plus importantes que le livre qu'il a voulu en tirer.

L'effet hallucinatoire est réussi au-delà de la mesure. Flaubert a cette fois voulu fixer toute une mosaïque de mirages. L'histoire est cependant dépaysante. le dialogue avec le diable, à forte tonalité métaphysique, est parmi les plus forts de ce livre. On retrouve bien entendu Flaubert dans cet érémitisme : il est Antoine.

Cette tentation folle, fatigante, soûlante n'est (heureusement !) pas trop longue. Ce livre ressemble plus à une purge, la catharsis d'un homme désenchanté et en proie aux pires angoisses en quête du Beau absolu, de la transcendance libératrice ; d'un athée mystique qui conçoit l'art comme la seule chose pouvant lui apporter le salut.
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