L'éditeur Marest a eu l'excellente idée de publier les mémoires de
Richard Fleischer. Paru en 1993 sous le titre Just Tell me When to Cry, cet ouvrage n'avait pas encore été traduit en français.
Richard Fleischer est un metteur en scène mésestimé et talentueux. En France, il est injustement considéré comme un tâcheron d'Hollywood alors qu'il est à la tête d'une filmographie foisonnante, marquée par d'incontestables réussites dans des domaines très divers : film d'aventures (20.000 lieues sous les mers, Les Vikings), film noir (L'énigme du Chicago Express, le génie du mal), science-fiction (Le voyage fantastique, Soleil vert), western (Duel dans la boue, du sang dans la poussière), suspense (L'Étrangleur de Boston, Terreur aveugle), comédie musicale (L'Extravagant docteur Dolittle), film de guerre (Tora ! Tora ! Tora !), film policier (Don Angelo est mort, Mr Majestyk). C'est probablement la diversité des genres qu'il a abordés au fil d'une carrière qui s'étend sur cinq décennies, qui fait que Fleischer est plus considéré comme un artisan que comme un auteur.
Bertrand Tavernier et
Jean-Pierre Coursodon l'ont heureusement réhabilité dans
50 ans de cinéma américain.
Comme l'écrit
François Guérif dans sa préface,
Survivre à Hollywood est « un livre de souvenirs, d'anecdotes racontées ça et là, sans souci d'ordre chronologique. » Quoiqu'il en soit c'est passionnant et désopilant. Fleischer a débuté comme réalisateur de séries B, films de complément tournés rapidement avec un budget réduit, puis a accédé à la notoriété en travaillant avec
Howard Hughes,
Walt Disney ou Darryl Zanuck. C'est dire s'il connaît par coeur les arcanes d'Hollywood, ses producteurs despotiques et/ou cinglés, ses scénaristes alcooliques, ses acteurs capricieux – les adjectifs sont interchangeables. Certaines anecdotes sont à mourir de rire, telle la production du Dr Dolittle, qui pourrait faire à elle seule l'objet d'un film hilarant. Fleischer excelle à décrire un milieu où l'on embauche des gens dans le but qu'ils fassent du mauvais travail, où l'on se réjouit quand un acteur ne signe pas son contrat et où la journée de tournage est conditionnée par la constipation d'une star.
Les souvenirs de Fleischer décrivent en creux la personnalité d'un cinéaste humain et modeste. « J'ai eu une carrière longue et heureuse… » conclut-il avec simplicité, ayant réalisé quarante-sept longs métrages dont vingt-cinq ont été nommés aux Oscars et huit ont été primés. Dommage qu'il se soit limité à 400 pages.