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Critique de Denis3


La vérité fait mal,
Surtout quand elle est bien (d)écrite.


Cynthia Fleury, psychanalyste et philosophe, avait déjà écrit “ Les Pathologies de la Démocratie” et “ La Fin du Courage”. Cette troisième oeuvre complète, sans doute, son engagement avec la problématique des dysfonctionnements démocratiques.

Ce troisième tome est beaucoup plus philosophique que politique, bien plus difficile à lire que les premiers. Cynthia situe l'origine de nos déboires dans cette habitude qu'a le citoyen de faire des modes de fonctionnement de la démocratie autant de passions. Ainsi la démocratie présuppose-t-elle des individus suffisamment équilibrés, informés et motivés pour en être les piliers. Non seulement des électeurs, mais des citoyens actifs. de ces 2 phrases, la passion n'a retenu que le mot “individu”, mot enflé pour remplir le vide laissé par l'absence des autres termes. L'on a vu ainsi l'émergence d'un individualisme forcené, qui coupe l'individu de ses semblables, l'incite à se développer seul - entreprise vouée à l'échec pour un être social - et le dresse contre ses concitoyens au nom d'une compétition érigée en idole. Mal éduqué à la vie en communauté, déstabilisé par le manque de relations et de repères, peu porté à la réflexion, fragilisé par la menace compétitive, l'individu oscille entre l'infatuation et la mésestime de soi. C'est qu'il s'agit d'une personne dont l'individuation - le développement de l'enfant vers la maturité citoyenne - est restée au stade de potentiel : l'individualiste est un individu non individué, immature, car non socialisé dans la société dont il devrait être citoyen. Il va sans dire que derrière ces processus d'aliénation se trouvent des intérêts : une élite qui estime avoir réussi le pari individualiste ( bien qu'en son sein la concurrence soit plus féroce encore qu'ailleurs) et des bras d'industrie qui produisent toutes sortes de consolations narcissiques.

Une démocratie ne peut se reposer sur de tels “pilliers”: elle doit se ressaisir ou s'effondrer. L'effondrement, si les choses en viennent là, prend souvent la forme d'un régime où l'individualité est entièrement gommée ou camouflée . Les individus mettent alors en avant un faux moi qui correspond à l'idéal prônée par l'élite : c'est la situation d'avant la modernité. Il n'y a, alors, ni individualisme ni individuation. Seul reste le conformisme, et les petites résistances que l'on peut se permettre pour avoir l'impression d'exister.

Cynthia Fleury parle du “secret du pouvoir”: son caractère usurpateur, sa violence et son arbitraire. Il est vrai qu'elle se sert d'analyses qui ont été prônées par des auteurs marxistes ou marxisants, mais il serait faux de voir en elle une marxiste : elle n'espère pas la dictature du prolétariat ! Il s'agit plutôt de l'usurpation d'un pouvoir qui devrait être celui des citoyens - qui devraient être en mesure de l'assumer ! - par une élite - quelle que soit sa couleur politique - élite qui utilise l'aliénation de l'électorat pour conquérir et garder ce pouvoir. Un jeu suicidaire où la démocratie s'auto-détruit. Songeons à ce qui se passe aux Etats-Unis.

Il s'agit ici d'un ouvrage de philosophie. Cynthia Fleury pose un diagnostic, mais elle n'offre pas de remèdes. En ce sens aussi, elle n'est pas marxiste : il n'y a pas à anticiper l'émergence de “bonnes” élites ou de structures salvatrices. L'Histoire ne pousse pas dans un sens ou dans l'autre. Ce sont les gens, l'ensemble des gens, qui vont se ressaisir. Ou pas.




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