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Critique de liliba


C'est avec un immense plaisir que j'ai retrouvé la commissaire Viviane Lancier, rencontrée l'année dernière dans La commissaire n'aime point les vers. ainsi que l'écriture de l'auteur, vive, alerte, et surtout bourrée d'humour.

Notre commissaire, dont le coeur bat toujours plus que de raison pour le jeune Augustin Monot va devoir passer une semaine dans un club de vacances à Rhodes, non pour des vacances, mais plutôt pour élucider un meurtre, et surtout pour que la mort du King, le directeur du club, ne fasse pas de vagues et n'entraine pas la fermeture du club, dont le grand chef est un ami du "Tout-Puissant", le divisionnaire...

Si vous avez lu La commissaire n'aime point les vers, vous vous souvenez sans doute que Viviane était la seule femme de la brigade et qu'elle manageait ses hommes d'une main de fer, dans un gant de velours. En effet, pour elle "tout était si simple : elle était la femme, ils étaient les hommes. Pourquoi ne comprenait-on pas cela à l'extérieur ? Certes, elle les aimait d'un amour possessif, elle les menait à la baguette, mais était-elle leur maman ? Bon, oui, un peu. Et même un peu plus dans le cas d'Augustin Monot, sa dernière recrue."

Viviane n'a pas changé. Elle est toujours mal dans sa peau et se trouve peu, voire pas du tout sexy, elle est bourrée de complexes. "Un pantalon gris informe, une chemisette blanche à manches courtes que la chaleur de la mi-juillet décorait d'une zone sombre sous les bras, et des mocassins avachis" : voilà sa tenue habituelle et elle se rend bien compte que "le contenu était tout aussi chagrinant que l'emballage : un corps qui paraissait encore plus petit que son mètre soixante et un, plus vieux que ses trente-sept ans, et surtout trop lourd : elle avait repris tous les kilos qu'elle avait réussi à perdre lors de l'affaire du sonnet, trois mois plus tôt. Quant à son visage fatigué où languissaient des yeux gris, il semblait dessiné à la hâte : trop rond, un peu bouffi. Elle avait des cheveux châtains coupés court, mais pas de coiffure. Elle ne se plaisait pas ; à qui aurait-elle pu plaire ?"

Voilà donc les pensées qui l'assaillent pendant que le Tout-Puissant lui décrit sa nouvelle mission. Elle se plaît à rêver, un peu... Ces quelques jours au soleil seront l'occasion d'un tête à tête avec son cher Augustin qui peut s'avérer fort agréable, et cette mission semble être de tout repos... Il partageront le même bungalow, une certaine intimité... peut-être devra-t-elle même lui enduire le dos de crème pour le soulager de coups de soleil...

Dans ses bagages, un seul livre, qu'elle a eu bien du mal à choisir, puisqu'elle a demandé à la libraire un ouvrage de poésie "classique, mais plutôt moderne", "du facile, mais quand même intellectuel"... Elle se retrouve donc avec Alcools d'Appolinaire, car "elle se devait d'emporter quelque belle lecture, qui lui vaudrait la considération du lieutenant Monot". Mais le hasard lui joue des tours, et c'est Willy, un tout jeune policier, qui devra l'accompagner. Dès le début, ce Monsieur Muscle, qui sent le vétiver à plein nez, l'horripile, bien qu'il ait "une personnalité forte, un coeur simple". Elle va lui en faire baver pour un peu se venger...

Viviane se retrouve donc à l'Esprit Club, là où "vos vacances ont l'esprit club", justement. Un club un peu particulier dont la description m'a fait rire aux éclats, surtout quand on sait que l'auteur s'est volontairement immergé une semaine dans un club du même genre afin de peaufiner la rédaction de son roman. Ici, les vacanciers sont les Chéris, les Cocos et les Kikis, les animateurs et animatrices du club. Comme feu King n'arrivait jamais à retenir les prénoms du personnel travaillant pour lui, il les a baptisés selon leur fonction : Coco l'Anime, chargé de l'animation, Coco Clown, qui fait les sketches, mari de Kiki Piqûre, l'infirmière et aussi "Coco Picole qui gère le bar et la boite de nuit, Kiki Muscule, la responsable de la gym, Coco Vent-Debout, le moniteur de voile, Kiki Plouf préposée à la piscine, Coco Tournevis, pour la maintenance et Coco Cuistot, le cuisinier." Les intérimaires quant à eux s'appellent les Hétoilàs. Mais il y a aussi le gardien, surnommé le Turc puisqu'il ne parle que cette langue, et son fils un peu étrange, sourd et muet. C'est ainsi que Irène, la veuve toute fraîche, explique le fonctionnement du club et décrit ses habitants aux deux flics fraîchement débarqués.

Et dire que Viviane va devoir jouer à la touriste avec cet assistant qu'on lui colle dans les pattes ! Ils sont officiellement scénaristes et cherchent à écrire une fiction sur un club de vacances, ce qui va leur permettre de se mêler aux vacanciers, de parler aux animateurs, et de poser discrètement des questions à tout le monde.

Viviane découvre ce qu'est un club et qu'elle ne connaissait que par oui-dire. Sa première impression l'affole : "Des corps. Elle ne vit d'abord que des corps. Des corps et des chairs de toutes les nuances, du blême mortuaire au rouge thermidor. Hébétée, elle se planta sur la terrasse qui surplombait les deux piscines cernées par la masse humaine. Que venaient faire là tous ces Chéris ? Rien. Ils étaient venus avec un objectif précis : ne rien faire. Ils ne nageaient pas, ne s'agitaient pas. Ils étaient." et elle se demande bien comment elle va supporter ce séjour et tous ces gens qui l'entourent. La promiscuité, le copinage lui sont insupportables : "Elle n'avait jamais supporté ces tu, encore moins ceux qu'on élidait. Elle vouvoyait tout le monde dans son travail et là, le premier barbu venu, pour la simple raison qu'il était du bon coté du bar en tee-shirt jaune fluo, allait lui infliger du tu? Elle savait que beaucoup d'estivants, dans les clubs, se faisaient un devoir de se tutoyer. Il ne fallait pas compter sur elle pour de telles familiarités : on commence comme ça, et on finit par dire tu à ses hommes, comme dans les films policiers."

Alors elle est d'une humeur de dogue, notre commissaire. Elle rudoie le pauvre Willy qui veut bien faire, mais commet bêtise sur bêtise, puis se sent coupable : "être la commissaire ne lui suffisait pas, elle éprouvait toujours le besoin de jouer à la commissaire." Elle se jette aussi sur la nourriture, comme toujours sa compensation première en cas de stress (et il n'y a pas ici ses barres chocolatées préférées...). Au buffet : "Des frites ? Viviane avait liquidé son assiette de hors-d'oeuvre et sentit se réveiller un faim impérieuse. On proposait huit plats principaux. Mais le plus alléchant, c'était ces frites. Depuis combien de temps n'en n'avait-elle plus mangé ? Elle avait réussi à reprendre du poids au printemps sans même avoir cédé à la tentation des frites, il y avait là une injustice qu'il était urgent de réparer. Elle en goûterait juste une. Ou deux."Cela ne l'empêche pas de mener discrètement son enquête, même si elle se sent abominablement mal dans ce club, totalement à coté de la plaque, ringarde, alors que le beau Willy, lui, est si à l'aise, si pleinement vivant... Elle se force pourtant et s'inscrit même à la séance de gym et à la natation, courageuse petite commissaire...

Mais elle est là pour résoudre une énigme et en bonne professionnelle, elle ne l'oublie pas. Elle se fait expliquer par Irène l'histoire du club, les habitudes de chacun, les faits et gestes des uns et des autres ce fameux jour où l'on retrouva le King mort, une fois qu'on se fut rendu compte que ça n'était pas une blague, mais un vrai cadavre... La veuve n'est pas éplorée, c'est le moins qu'on puisse dire. Elle est lucide, sait très bien que King la trompait avec des Kikis ou des Hétoilàs, pas plus tard que la semaine précédente d'ailleurs, elle savait son mariage peu réussi et déclare avec lucidité à Viviane : "on a pour moi un peu de pitié et beaucoup de méfiance : j'étais la plus grande cocue du royaume, mais j'étais la femme du roi". Mais elle ne semble pas coupable, elle avoue d'ailleurs au cours d'une conversation : "Puisque mon mari est décédé le premier, il n'y aura plus d'héritage : vous ne trouverez jamais de veuve plus attristée que moi par la mort d'un époux."

Il faut dire que le roi en question semble avoir été un drôle de type : "Il était comme ça, mon mari : lui, le roi, et, en dessous, la cour et les nains." Il régnait en despote sur ses sujets-salariés, et avait même décidé tout récemment, après avoir refait les comptes du club, que les dépenses devaient être réduites. Des licenciements venaient d'être annoncés... Viviane va devoir bientôt suspecter tout le monde : l'assistant du King, qui reprend la charge du club et ne cache pas sa fierté ("Coco devenu co-chef ! Presque roi !"), mais aussi tous les autres, dont elle découvre qu'ils se livrent chacun à de petites magouilles pour arrondir leurs fins de mois. Grappillage par ci, trucage par là, les inventaires sont falsifiés, les bons produits gardés pour les collègues et la viande avariée servie aux clients, il semblerait même que de l'alcool et peut-être de la drogue circulent sous le manteau...

L'enquête va se compliquer bien vite, avec quelques morts et disparitions supplémentaires auxquelles personne ne s'attendait et qui font rugir le Tout-Puissant, qui voulait une affaire discrète et rondement menée, et pas une tuerie... La commissaire se fait remonter les bretelles par sa hiérarchie, elle est censée calmer le jeu et plutôt dissimuler les indices, que remue-t-elle donc comme boue pour que les morts fleurissent aussi vite que les fleurs sous ces cieux ensoleillés qui devraient être aussi paradisiaques que le vente la publicité ?

Viviane commence à en avoir
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