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Critique de StCyr


Tout est illuminé est un roman savoureux et drôle, basé sur des prémisses qui n'ont rien de réjouissant et qui sont, pour tout dire, dramatiques. Jonathan Safran Foer se met lui-même en scène, en jeune écrivain américain, débarqué en Ukraine afin de retrouver ses origines, à la recherche des vestiges d'un village, que les Nazis détruisirent en leur temps, en massacrant la quasi totalité de ses ressortissants juifs. Il y aurait eu évidemment de quoi sombrer dans le pathos le plus naturel : que nenni, c'est un roman qui s'avère à la lecture absolument débridé et original.

S'étant adressé à une agence de voyage russe apportant son concours aux touristes américains en quête des lieux où vivaient leurs ancêtres, Jonathan se voit affublé d'une sacrée équipe de bras cassés pour l'assister dans ses recherches. Alex Perchov, son "traducteur", baragouine un anglais des plus baroques, à la limite du compréhensible; le chauffeur-guide de l'équipée n'est autre que le grand-père de ce dernier : bourru, plutôt ignare pour un guide, disposé à la sieste impromptue et impérieuse, il est d'une utilité toute relative. Ajoutez une chienne pétomane, nommée Sammy Davis Junior, dont l'affection intempestive afflige notre héros cynophobe, vous obtiendrez notre fine équipe. Toute la narration de cette partie du récit est prise en charge par Alex, dont le jargon truffé de barbarismes, demande une bonne aptitude chez le lecteur à l'interprétation par analogie. S'intercale régulièrement, en interrompant cette trame, la chronique pittoresque et familiale, échelonnée sur cent cinquante ans, du village en question, et dont le héros-narrateur assume le récit. Enfin, quelque lettres savoureuses du dénommé Alex à Jonathan, devenu entre-temps son ami et rentré depuis au Etats-Unis, apporte un contrepoint et une mise en abîme des plus drolatiques, à un récit qui regorge d'humour malgré la gravité du sujet traité et le drame sous-jacent.


Certes, on peut considérer les passages de baragouinage du piteux traducteur comme de l'anti-littérature; il est vrai qu'un léger temps d'adaptation est nécessaire au lecteur, mais très vite on n'a de cesse d'attendre ces savoureux interludes du slave estropiant allègrement l'anglais, dans un choc des cultures cocasse. Roman polyphonique, burlesque, foisonnant, audacieux dans sa conception, ce roman est une prouesse, il accomplit le tour de force d'égayer une situation dont les fondements sont tragiques.
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