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Critique de Lucilou


Avec "Une Colonne de Feu", Ken Follett retrouve Kingbridge et se propose de nous plonger, après le Moyen-Age, au coeur de la Renaissance. le roman s'ouvre sur la Noël 1558 qui voit le retour au bercail du jeune Ned Willard dont la famille aisée et influente ne cache pas ses sympathies protestantes dans une ville, à l'image du royaume, déchirée par la haine religieuse et politique. Comme souvent, c'est une histoire d'amour contrariée qui jette les premiers jalons de ce roman fleuve: Ned est amoureux et sa dulcinée, Margery Fitzgerald, l'aime aussi. Oui mais voilà, elle appartient à une fervente lignée catholique. C'en est assez pour que le mariage escompté ne se fasse pas... En parallèle, on suit aussi le destin tourmenté du frère de Ned à la tête de la filière espagnole de l'affaire familiale et là-bas non plus, les temps ne sont ni à la tolérance, ni à la concorde. En parallèle des ces trajectoires privées, Ken Follet nous donne à voir tout un pan de l'Histoire européenne et de cette Renaissance si riche (l'une de mes périodes favorites!). Ainsi, le roman débute moins d'un an avant l'accession au trône d'Elizabeth 1ère et Ned va y prendre une part active puisque il va se mettre au service de la cette dernière grâce aux relations familiales. Cet emploi, au sens propre comme au sens plus littéraire, va lui ouvrir les portes de toutes les cours d'Europe (salut la France!) et de toutes les intrigues, de tous les complots et de tous les grands évènements de son temps et constitue pour Ken Follett le prétexte parfait pour balayer d'un revers de plume près de soixante ans d'histoire à un rythme enlevé et relativement trépidant.

Qu'elle était prometteuse cette "Colonne de Feu"! Qu'elle me faisait envie, à moi l'amoureuse de romans historiques, la passionnée de Renaissance. Tout semblait s'y trouver pour me plonger dans la félicité... Oui mais non.
Tout y est oui, rendons à César... Sauf que...

Au fond, je le savais. Je savais que je serai un peu déçue par "Une Colonne de Feu", mais folle que je suis, j'y suis allée quand même… Certes, la lecture de cet épais roman de près de mille pages ne fut une torture à l'instar de certaines autres découvertes qui me glacent, m'écoeurent et m'endorment encore malgré moi lorsque je me prends à y penser, mais tout de même… J'ai beaucoup soupiré face à la colonne, renâclé et j'ai l'impression qu'il m'a fallu des jours et des jours voire des années pour le finir enfin… Elle qui contenait pourtant, je persiste, tous les ingrédients prompts habituellement à réjouir mes papilles exigeantes (mais, c'est peut-être là qu'est le problème d'ailleurs...).

Un petit historique s'impose: de cet auteur prolixe et prolifique j'avais lu et aimé "Les Piliers de la Terre", dévoré à l'époque en moins d'une semaine. le roman avait su me conquérir par son souffle, ses personnages, ses retournements de situation, son Moyen-Age romanesque et documenté. Je me rappelle m'être jetée sur la série dans la foulée pour que dure encore un peu l'enchantement.
Oui, j'avais aimé "Les Piliers de la Terre" en y reconnaissant une ou deux limites toutefois, de ces défauts qui n'empêchent pas l'amour: la geste de Jack, de Tom le bâtisseur, d'Aliena et des autres pour passionnante qu'elle fut, n'était pas sans facilité, sans cliché, sans deus ex machina. Ken Follet, c'est un peu le faiseur de blockbuster, de grosses productions hollywoodiennes où les méchants sont vêtus de noirs et les gentils vêtus de blanc. Où les intrigues foisonnantes se résolvent à grand renfort de grosses ficelles et de bons sentiments. Où la nuance et la complexité n'ont pas vraiment leur place. Où les gros sabots chaussés pour narrer donnent aux lecteurs le don de divination: on sait. On sait déjà tout dès les premiers chapitres, le dénouement et les chemins qu'il empruntera.
Parfois, moi Hollywood, j'aime bien. Parfois, les merveilles primées à Sundance me semblent trop dures, trop complexes et je les délaisse le temps d'un blockbuster (et il en est que j'aime infiniment!). Voilà ce qu'est pour moi "Les Piliers de la Terre", parce que malgré les clichés et les facilités, le roman est incroyablement malin et prenant, que ses personnages sont très attachants malgré leur construction dichotomique; tout ce que n'est pas à mes yeux "Une Colonne de Feu" pour lequel par ailleurs, Follett semble avoir eu les yeux plus gros que le ventre.

Les personnages m'ont clairement parue monolithiques et j'ai bien du mal à m'attacher à eux. Ned et les Willard en général manquent de subtilité, de complexité et la plupart d'entre eux souffrent un peu trop à mon gout du syndrome du "héros parfait". Quant à l'intrigue, ou aux intrigues devrais-je dire, elles sont poussives et surtout bien trop prévisibles… Tout se sent, se devine, se pressent. Les sabots sont devenus bottes de sept lieues, les ficelles ont viré ruban et moi, tout cela m'a déçue et surtout ennuyée à un point!..
De plus, "Une Colonne de Feu" m'a posée un vrai problème de crédibilité (non pas que tout soit toujours crédible dans "Les Piliers de la Terre" ou même dans d'autres romans historiques où les personnages vivent bien trop de choses pour être honnêtes!) dans le sens où on sent de la part de l'auteur un intérêt réel, une passion même pour l'époque abordée mais là où le bât blesse, c'est qu'il en fait presque trop: toute la Renaissance y passe, des années sanglantes du règne de Mary Tudor à l'Invincible Armada, de l'accession du trône d'Elizabeth à la Saint Barthélémy, du traitement des juifs dans l'Espagne ultra catholique de Philippe II à la destinée tragique de Mary Stuart, étoile filante à la cour de France...
Alors oui, j'adore cette période de l'Histoire et c'est d'ailleurs pour cela que je me suis dirigée vers "Une Colonne de Feu", mais trop c'est trop. Forcement, les faits sont survolés et sont réduits à paraître artificiels du coup (quel dommage!). En outre, faire traverser tout cela à un même groupe de personnages? C'est trop... N'aurait-il pas été plus pertinent de réduire la chronologie mais d'être à la fois plus précis et plus nuancé sur une période plus courte?

Et puis, cela paraît quand même un rien naïf cette propension à vouloir faire tendre la politique d'Elizabeth Ière uniquement vers la tolérance et de le marteler ainsi. La réalité était un peu plus complexe... le manque de profondeur et de nuance à nouveau... Hollywood! Blockbuster!

Une vraie déception que ce roman dont j'attendais beaucoup. Je ne peux m'empêcher, arrivée à la fin de ma diatribe, de penser à cet autre roman, injustement méconnu: "L'Etoile Brisée" qui prends corps à la même époque, qui en restitue les soubresauts avec bien plus de profondeur et presque autant de pages. C'est ce livre là qu'il faudrait lire et il est de Nadeije Laneyrie-Dagen.









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