AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de coco4649


 
 
Poète de lecture courante, directe,
vivante, Maurice Fombeure pratique
une poésie tout à fait abordable.

Il adore pasticher les vieilles chansons,
dans un climat de joyeuseté contagieuse.

Sa fantaisie narquoise est un vrai rafrai-
chissement poétique, sur fond de mélan-
colie.

Avec lui la poésie cesse de faire mal à la
tête.

Verdeur, pittoresque, virtuosité bonne
santé campagnarde, une « poésie aux
joues rouges » comme le remarque fort
justement Robert Sabatier, dans son
Histoire de la Poésie Française du XXème
siècle.

Paul Claudel dira de lui :
« il faut lire Maurice Fombeure, c'est
quelqu'un qui parle français, un certain
français, un certain vers français, clair
et gai comme du vin blanc, et aussi adroit
et prompt dans son empressement
dactylique que le meilleur Verlaine, la
veine de François Villon et de Charles
d'Orléans. »


Ainsi ces quelques lignes qui suivent :

" BONJOUR AU VILLAGE
FLEUVES sans armures,
Forêts sans roseaux,
J'entends vos murmures
Au fond de mes os.
Rois de l'herbe tendre,
Assurés trompeurs
Vivant de sommeil,
Émaillés de pluie.
Sur cette rosace
J'ouvre ma voix lasse
et je dis « Bonjour »,
Bonjour au village
Posé dans le jour,
Bonjour à l'écluse
Qui chante toujours.
Bonjour à l'armoire :
Elle est la mémoire
Des vivants, des morts :
Grand-père à lunettes
Grand'mère à bandeaux.
Les deux chats ronronnent
Au sommeil du feu,
Les poules caquètent
Sous les figuiers bleus.
Terre des prodiges
Terre des mirages,
O mes jours anciens
Au fond d'une enfance
Dont je me souviens,
Au bord d'une vie
Qui n'a pas donné
Ce qu'elle tenait
Dans ses mains amies.
p.7-8


" LES CHANSONS DES PAUVRES GENS
À Jeanne Thiébaut.
LES chansons des pauvres gens
Ne sont pas des chansons tristes,
Anneaux d'argent elles disent,
Fiançailles et roses blanches ;

Des fées au bord des fontaines,
Des princesses sur les tours,
Le rire y paraît à peine
Vite, comme naît l'amour.

Des prairies baignées de lune
Où dansent des rubans bleus.
Quand elles parlent des morts
La terre leur est légère.

La douleur des pauvres gens
Ne pèse pas sur leurs chants ;
Elle y vient comme elle passe
Sans tambours et sans emphases.

Les chansons des pauvres gens :
Les filles de la Rochelle
Y font la guerre en chantant
Sur un brigantin d'argent.

Les chansons des pauvres gens :
Sont fausses comme nos rêves,
Mais l'espoir y chante et pleure
Plus vivace que la vie.
p.19-20


" LES HÔTES DES FORÊTS
PHANTASMES de la fièvre
Fantômes de rouliers
Aux cabans étoilés,
Fuyant comme des lièvres
Les cris du premier coq.
À la lisière bleue
Des forêts frémissantes,
Fougères à longs cils
Clairières du silence,
Lente flûte des pluies
Les harpes du grésil.
Squelettes de sorciers
Couleur d'arbre et de terre
Au bissac de mystère.
O sombres besaciers.
Des cerfs maléficieux
Vous suivent sur la mousse
Bossus comme les cieux,
Ennuagés de mouches.
Carrefours des orfraies
Loin du carroi des routes
Des armées en déroute
Que d'effarants secrets
Chuchote à mots couverts
Cette orée frémissante.
Les chênes décharnés
Battant sur le ciel nu
De la branche et de l'aile.
Les pleurs des tourterelles
Si rauques ingénus,
Ou les cris reconnus
Des ageasses batrelles,
Hantent mes nuits des villes.
O forêts du délire
Vous soufflez dans mon coeur,
Du zénith au nadir
Tout constellé d'horreur.
p.21-22


" ENCORE UN MATIN
Dans les sidéraux interstices
Nous avons lu notre destin.
Prophète aveugle, aigle, aruspice,
Tout s'efface au petit matin,

Avec les brumes des guérets,
L'écharpe blanche des rivières,
L'étoile au front de la forêt,
Le vent qui secoue sa crinière.

Le premier cheval qui s'ébroue
Arpente le plan cadastral.
L'homme s'épaule d'une houe
Premier levé — c'est ordinal —

Le son des fontaines chantantes,
Le bruit vif et vide des seaux,
Le départ d'une heure éclatante
Sous les colombes, les Verseaux.

Du fond des songes et des toiles,
Je sentais dans le vent d'amour
Qui me transmuait jusqu'aux moelles
La promesse aveugle d'un jour.
p.34-35


" MUSIQUES DE LA NUIT
PENDANT que tourne au loin
Le quadrille des ombres

Sous la lune d'été
Roucoulent des tambours.

S'évaporent des flûtes
Aux plaines noyées d'eau

L'orgue de Barbarie
Remoud de vieux chagrins

Aux escales de lunes
Naissent de lourds soupirs

Trombones du silence
Olifants de la brise

Tout s'use, se récuse
Ainsi la cornemuse

Fêlure du sommeil,
De la mélancolie.
p.36-37


" FLEURS DE LA VIE
DANS ce domaine posthume
Où tu venais passer l'été
Et que des parents économes et obstinés
Pour toi avaient acheté en se privant sur le sucre et le café

Un hippogriffe hypocrite
Pose sa griffe aux fruits mûrs.
Le soldat dans sa guérite
Écrit : « M…. pour l'adjudant »

Par delà le jardin brodé d'abeilles
L'institutrice épèle
« P-h-i-l-o-m-è-l-e
« Femme changée en rossignol ».

Le forgeron bat son enclume
Sur les rotondes de la mer.
L'aube fraîche sent la moule
Ruisselant d'algues et d'échos.

Bon chrétien, fleur d'antiphonaire
Passe le baron des Adrets,
Sa moustache de mousquetaire
Coupe le vent comme un agrès.

Mais l'impalpable mélancolie
Tisse et veille sur tout cela,
Le vent souffle une embellie
Et le vaisseau fantôme nous tire sa bordée.

Les fleurs pourrissent dans les jardins,
On voit des ombres dans le soleil,
Le curé perd à la manille
— C'est la grande peur de l'an mil —
p.42-43


" AH ! RETROUVER
AH ! retrouver aux fenêtres bancales
Sur le coteau qui penche vers la mer
La floraison d'étoiles zodiacales
Et le cheval noir et bleu de la mer.

Ah ! retrouver aux sources où la lune
Sème ses pas sur le sommeil d'argent
L'éternité de chacun sa chacune
Sous les tilleuls aux soupirs indulgents.

Ah ! retrouver le respir de sa race
Au bord des feux, des silences d'hiver.
Nos pas anciens y laisseraient leur trace
Vers les forêts qui soufflent à couvert.

Ah ! retrouver les jolies catholiques
Qu'on admirait le dimanche matin
Aux prés fleuris de la mélancolique
Colchique où point un automne incertain.

Ah ! retrouver jusqu'au fin fond des âges
Le pain d'enfance et des larmes de sel,
Au seuil moussu de ces calmes villages
Où quelque coq s'enroue dans l'irréel.

Ah ! retrouver nos peines et nos jours
À l'écart de ce tumulte dément
En quelque coin de ce coeur lourd d'amour
Que la vie blesse et panse doucement.
p.56-57
Commenter  J’apprécie          270



Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten
Ont apprécié cette critique (25)voir plus




{* *}