Le piéton de ParisLéon-Paul Fargue 1876-1947
Jean Marie DROTdans le salon d'Edmée de la ROCHEFOUCAULD présente l'émission consacrée à une journée du poète
Léon Paul FARGUE. L'écrivain
Joseph KESSEL, la
princesseFrançois de POLIGNAC, l'artiste Marie MONNIER, le
peintre André DUNOYER de SEGONZAC , le
peintreAndré ROLLAND de RENEVILLE, le poète
Maurice FOMBEURE, le professeur Henri MONDOR, l'abbé MOREL, la
journaliste Claudine...
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Il pleut sur le printemps, sur tout, sur les étoiles.
Ne crois-tu pas la nuit qu’il pleut depuis toujours
Quand sur ces vieux chevaux maigres, boiteux et sourds
J’entends jurer sans bruit les cochers de l’averse.
(À dos d’oiseau)
Une plaque dans l’herbe au Square des Poètes (Paris 16ème)
Tout corps plongé dans un liquide éprouve une bonne satisfaction.
ET S'IL PLEUT CETTE NUIT
Le vent passe à grands coups de vagues dans les roses.
Il rebrousse les eaux, les plumes, le sommeil,
Et les chats assoupis, sur leurs métamorphoses
Sentent l’aube et l’odeur de la mer au réveil.
Il pleut sur le printemps, sur tout, sur les étoiles.
Ne crois-tu pas la nuit qu’il pleut depuis toujours
Quand sur ces vieux chevaux maigres, boiteux et sourds
J’entends jurer sans bruit les cochers de l’averse.
C'EST LE JOLI PRINTEMPS
C'est le joli printemps
Qui fait sortir les filles,
C'est le joli printemps
Qui fait briller le temps.
J'y vais à la fontaine,
C'est le joli printemps,
Trouver celle qui m'aime,
Celle que j'aime tant.
C'est dans le mois d'avril
Qu'on promet pour longtemps,
C'est le joli printemps,
Qui fait sortir les filles,
La fille et le galant,
Pour danser le quadrille.
C'est le joli printemps
Qui fait briller le temps.
Aussi, profitez-en,
Jeunes gens, jeunes filles;
C'est le joli printemps
Qui fait briller le temps.
Car le joli printemps,
C'est le temps d'une aiguille.
Car le joli printemps
Ne dure pas longtemps.
SOURCES
Robes à rayures d’oiseaux,
Robes à ramages d’ombres, de feuilles,
Des robes vertes et noires vous habillent, sources.
...
Sources, œil de la terre pris sous l’herbe des cils,
Pour noyer dans le soir vos araignées d’argent,
Engloutir ces villages et ces champs de nuages,
Sources, le vent laboure les prairies fraîches du ciel,
Puis un astre, un soleil éternel
Calme, à la bonne langue chaude
Il s’étire, il s’avance, il rôde…
Sources des moissonneurs, soleil cycle des sources,
Vos regards m’apaisent, m’emportent, m’abandonnent
En silence, comme un baiser de coup de foudre.
ENFIN, LA PLUIE !
Il pleut, il danse, il mouille
À tire-larigole
Entends crapauds, grenouilles
Rigoler aux rigoles
Le facteur se rengouille
Sa houppelande au col
Se réchauffe à l'alcool
Et quitte la Trimouille
Les hirondelles fauchent
Sur les champs de ciel gris,
Le butor dans les rauches
Exulte, exalte, crie
Ca coule, dégouline
Ronfle, tinte. L'odeur
Des thyms et des collines
Exhale son ardeur
Nous ferons mieux un jour
Plus propice au délire,
Nous mettrons de l'amour
Dans notre poêle à frire,
Il pleut sur notre aurore
Sur les oies, les tambours,
Sur le tambour-major
— Mais pas sur notre amour ! —
Je me dresse au seuil debout
Je clamne en vain ma détresse
Dessous la lune qui bout
Le vent qui dénoue ses tresses
Songe au soir sang de hibou
Versé sur les terres gresses
Assez. Je remonte sur
Mon socle de solitude
FESTINS
Portez poignées d'eaux et verrées de paille
Puis fumants ragoûts de pattes d'anguilles
« Riens tout neufs » boulus, bases de ripailles
Ou fesses d'anchois — sautées en quadrilles,
Sycophantes blanchis au clair de lune
Pissenlits bourrus, lampions, menu vair,
Fumées des clochers, sons de bouts d'enclumes
Daubes de bambous, soleils, entr'ouverts
Entre les banquiers et les saltimbanques
Les poux endômés de chapeaux melons
Les clochards hirsutes, les mecs à la manque
Gorgés d'Armagnacs (ou de Bourguignons)
Le ciel est morose et les gens sont gris
Certains endormis le pif dans les roses
Fête bat son plein, printemps rabougris
Mais qui font vibrer nos aponévroses
Filles tétonnées aux cieux étonnés
Aux lèvres cerise, au mutin minois
Mais qui deviendront aux temps surannés
Vieilles au profil à casser des noix,
Mandarins déçus du sexe des anges…
— las ! En attendant faut que la dent mange.
Nouvelle Revue Française, 1956
Mais voici que la pluie m'embrouille
Les forêts, les orées, les rois
Sous les ruisselis des gargouilles
Je me retrouve en desarroi,
Bousculé, taraudé des gens,
Des vélos à trompe d'argent,
Au bas d'un ciel couleur de rouille
En la rue des Quatre Sergents
On entendait chanter dans le guten morgen
Les coqs de Saint-Affrique et de Sigmaringen.
Ciel du camp du drap d'or ou ciel de merlan frit
Hérissé de pavois, de flèches, de souris.
Aux cris verts des bestiaux perclus de solitude
Répond celui des trains que le silence élude.
Tonitruants oiseaux dans les fontes du ciel,
Châteaux démantelés, vieux ormes démentiels,
Maléficieux amis endeuillés, verts de terre
Sur (parfois) vient grailler un corbeau (solitaire)
Ou la chouette (de cendre) ou le grand-duc
Y courber sous la lune un vol intelligent [(d'argent)
De sommeil, de luisant, de bleuté, de velours,
Et le songe est profond mais le silence est lourd.