Depuis l’arrivée des Khurtas, il montait la garde, aussi immobile qu’une statue. Il se tenait au sommet des remparts de jour comme de nuit. Rares étaient ceux qui avaient le courage de déranger Nobul Jacks.
Mais ce n’était plus Nobul Jacks.
On l’appelait désormais Casque Noir, un nom qu’il n’avait pas entendu depuis une éternité. Un nom qu’il avait abandonné dans la boue et le sang de la porte de Bakhaus. Ce jour-là, il avait fallu affronter un redoutable envahisseur, des créatures venues des terres septentrionales pour raser les Etats Libres – comme aujourd’hui. C’était au cours de la bataille que Nobul Jacks était devenu Casque Noir. Il avait survécu en devenant un homme… Ou un monstre.
Sur sa gauche et sur sa droite, les hommes étaient pétrifiés par la peur. Au bout de la rangée, quelqu’un avait perdu le contrôle de sa vessie et un long filet d’urine coula devant les bottes de Nobul en laissant échapper un nuage de vapeur. Ce type devait avoir une vessie de cheval.
Il n’y a rien de mieux que la guerre pour faire oublier les différences. Elle rassemble les gens dans une douleur et dans une haine communes.
Seul un homme qui a connu la trahison, qui a vécu la trahison, peut comprendre ce qu’est la loyauté.
- Comment ça se passe pour toi ? Depuis que tu as rejoint ton père ?
Merrick haussa les épaules.
- Je me suis fait tatouer, des archers n’ont pris pour cible, des sauvages m’ont couru après, des fous furieux m’ont hurlé dessous en brandissant des épées et je crois que j’ai tué trois hommes. Peut-être quatre. Mais il y a aussi eu des moments sacrément difficile, tu sais.
Azreal détourna la tête en passant devant les palissades et Endellion sourit. Son compagnon n’aimait pas la manière dont les prisonniers étaient traités. La miséricorde était une qualité rare au sein du Subodai, et Azreal n’avait guère le temps de se soucier de ces malheureux, mais il estimait que leurs souffrances étaient inutiles. Certains auraient jugé ce comportement indigne d’un Elharim, mais Endellion savait qu’Azreal pouvait se montrer impitoyable. Il éprouvait de la pitié pour les faibles et les opprimés, mais il n’en avait aucune pour ceux qui dédaignaient une lame devant lui.
Quand l’ennemi se présentait, on se battait ou on mourait. Il n’y avait rien d’autre à savoir.
Loque se demanda pour quelle raison Friedrik avait pris Yarrick à son service. Il était trop nerveux pour faire un bon pinceur, trop trouillard pour faire un bon cogneur et trop couillon pour amuser la galerie avec de savoureuses plaisanteries. Enfin, il en fallait pour tous les goûts.
Filsapute n’est pas brave, mon garçon. La bravoure se puise dans la peur, et Cormach Filsapute n’a peur de rien. Il obéit sans poser de questions – et tu devrais prendre modèle sur lui dans ce domaine.
Kaira sourit.
- Votre seule erreur fut votre naïveté. On ne fait pas confiance à un homme sans honneur. Mais vous vous rachèterez.
- Oui, dit Janessa. Et je vais commencer sans attendre. Mon épée ? Mon armure ?