Citations sur Les Nuits tentatrices, tome 1 : Péché exquis (11)
Adam avait toujours été fasciné par la façon dont la sexualité des gens était un mystère bien gardé, à l’abri des apparences. Avant de se mettre à fréquenter des escorts qui n’exprimaient jamais le moindre désir et feignaient un enthousiasme proportionnel au nombre de billets que contenait l’enveloppe, il avait remarqué que les femmes étaient souvent pleines de surprises au lit. Les allumeuses se révélaient parfois prudes, les saintes nitouches pouvaient dissimuler des trésors de passion et d’ardeur, les femmes libérées étaient quelquefois timides…
Fréquenter des femmes sans histoire, sans passé, et dont il ne partagerait pas l’avenir, avait fini par le lasser. Confondre leurs prénoms et leurs visages, les baiser de la même manière : comme tout système, celui-ci avait ses limites, et Adam les avait atteintes. Il voulait autre chose.
Du piment. De l’excitation. Du mystère.
Il voulait rencontrer une femme dont il brûlerait de percer les secrets. Il voulait que son cœur se remette à battre plus fort, plus vite.
Il voulait être envoûté.
les filles qui se succédaient à son bras et dans son lit tentaient toutes de le séduire. L’épouser, ou du moins s’assurer une liaison suivie avec lui, était l’assurance de pouvoir suspendre leurs activités nocturnes. Il n’était pas naïf au point de croire qu’elles agissaient ainsi uniquement avec lui. Il se doutait bien que la plupart de ces femmes tentaient leur chance en tant qu’escorts afin de dénicher un mari qui les mettrait définitivement à l’abri du besoin. Exactement comme les Ukrainiennes et autres Russes se vendaient sur des sites en ligne afin d’épouser un Occidental et de quitter ainsi un pays sans avenir. Être partie prenante de ce miroir aux alouettes ne le dérangeait pas vraiment, mais il éprouvait toujours le besoin de clarifier la situation avant de passer à l’étape suivante.
Adam avait fait sa connaissance presque deux ans auparavant, après son divorce. Il avait alors décidé de ne plus se laisser prendre au piège des sirènes de l’amour, ce qui sonnait de manière plus mélodramatique que ça ne l’était en réalité. Il voulait juste éviter d’avoir de nouveau le cœur brisé et le portefeuille vidé. Trois ans plus tôt, il était tombé amoureux d’une actrice célèbre qui avait un sourire renversant de fraîcheur, des jambes interminables, et pas mal d’années de moins que lui. Leur idylle avait démarré comme un conte de fées : coup de foudre dans une soirée sélecte, balades en bateau privé sur la Seine, week-ends romantiques à Vienne et à New York, déclarations d’amour enflammées, mariage grandiose mais « célébré dans la plus stricte intimité ».
Elle était si compétente qu’il lui avait rapidement délégué d’autres tâches, lui laissant le soin de gérer parfois son équipe pour le moins hétéroclite. Cerise sur le gâteau, Saskia était très jolie. Adam aimait s’entourer de belles choses, comme le prouvait son bureau, meublé avec le goût sûr de celui qui a été élevé dans le luxe et à qui on a appris dès le plus jeune âge la valeur des choses et les codes de la beauté. Saskia, avec sa taille de guêpe, ses longs cheveux blonds et ses lèvres pulpeuses toujours laquées de rouge, ressemblait à un fantasme de pin-up des années 1950. Un objet de collection.
Une chatte vierge perdait pour lui de son mystère. Il aimait partir à la découverte de l’intimité d’une femme, dissimulée sous un léger voile. Cela faisait partie de l’attrait qu’il éprouvait pour les mystères féminins. Il trouvait la mode de l’épilation intégrale pornographique, voire vulgaire, ce qui était pire à ses yeux.
Son divorce l’avait placé bien malgré lui en position de faiblesse, et il ne voulait plus jamais avoir à subir ça : il lui était plus facile de payer des femmes qu’il considérait uniquement comme des objets. Il les traitait avec courtoisie, les payait rubis sur l’ongle, mais ne s’intéressait pas à elles.
Il avait pu constater que, si la vindicte populaire pouvait s’abattre à une vitesse folle, se refaire une virginité était en revanche un travail de longue haleine. C’était sans importance : Adam était un homme patient.
L’amour ignore la vertu et le mérite ; il aime,
il oublie et souffre tout, parce qu’il le faut.
Je ne sais pas ce qui s'est passé.
J'ai abdiqué.
Je m'étais promis de ne jamais céder aux sirènes de la facilité : pas de maître, pas d'attaches, pas de confort. Souffrance psychologique et douleur physique étroitement liées, tressées en un fil raide sur lequel je cheminais depuis longtemps. Des mois. Des années. Une éternité. La douleur avait fini par devenir confortable, comme un vêtement aimé qu'on use jusqu'à la corde.
Je n'ai pas assez expié. Je n'aurais jamais dû revoir Adam, mais comment résister à son magnétisme, à sa chaleur, à son regard ?