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Critique de jg69


jg69
21 septembre 2023
COUP DE COEUR

Dans "Dix-sept ans", Eric Fottorino évoquait le fantôme qui hantait le début de son roman familial : une petite fille née trois ans après lui et aussitôt arrachée à sa mère puis adoptée dans la clandestinité d'une institution religieuse bordelaise.

" J'ai eu une fille on me l'a prise", c'est par ces mots de sa mère qu'Eric Fottorino a appris récemment l'existence de sa soeur. Avec la complicité de sa grand-mère maternelle, des bonnes soeurs, "ni bonnes, ni soeurs... des soeurs criminelles" ont arraché le nouveau-né à la jeune Lina alors qu'elle venait d'accoucher à 20 ans " à cri et à corps perdu, elle t'avait petite soeur à jamais perdue... Sitôt née, sitôt arrachée, rendue à la nuit, fille de fille-mère, enfant de chimère".

Ce long poème en prose est adressé à cette soeur qu'Eric Fottorino choisit de nommer Harissa, "maintenant je t'appelle Harissa, un prénom c'est un début de conversation... Harissa, petite soeur, petite fleur pimentée."
Eric Fottorini crie son manque de cette soeur, s'invente des souvenirs d'enfance avec elle, des moments partagés "je t'entraîne dans mon enfance... je réécris l'histoire avec toi... avec toi l'insouciance aurait tout emporté... je te conjugue au présent, je t'invente si fort que je crois me souvenir de toi... Tu aurais été ma main complice dans la nuit, ma peine coupée en deux, ma rassurance"
Depuis la révélation de l'existence de cette soeur, il comprend la détresse de leur mère à l'origine des plis de mélancolie de son front, de ses regards perdus, de ses silences "Sa vie maman l'a passée à ne pas vivre... elle qui toute sa vie dut supporter le manque de toi... tu es là, volet mal fermé qui claque dans son coeur."
" Chaque jour elle essaye de t'effacer et chaque jour elle échoue, soulagée de son échec, elle inspire ton nom, elle expire ton nom, soixante ans qu'elle vit en apnée, tu es sa peine à respirer... quelle plus grande douleur que le deuil d'une vivante."
Un cri d'amour, un cri de colère contre "les religieuses sans miséricorde, femmes de Dieu sans Dieu" car "cette petite fille ce n'était pas un abandon mais un arrachement", un arrachement orchestré par sa propre mère honteuse de sa fille devenue fille-mère avec deux enfants sans mari, deux enfants de deux pères différents, deux étrangers, un juif et un musulman. Transgression absolue...
Cette poursuite de la quête identitaire d'Eric Fottorino sur les traces de sa soeur est bouleversante. La forme en vers libres, dont je ne suis pourtant pas spécialement friande, m'a semblé complètement adaptée à la puissance de ce monologue, véritable condensé d'émotions. D'une beauté à couper le souffle.
Lien : https://leslivresdejoelle.bl..
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