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Critique de MathyC


« Je suis veuf, Sylvie est morte le 12 novembre. C'est bien triste. Cette année, on n'ira pas faire les soldes ensemble. » C'est par cette constatation qui peut paraître bien superficielle que débute le récit autobiographique de Jean-Louis Fournier. L'auteur sublime ces petits riens qui font la vie et qui forment un grand vide une fois que les rituels du quotidien sont rompus. C'est en effet, pour rendre hommage à celle qui fut sa compagne pendant 40 ans, que cet homme endeuillé a pris la plume. « Elle n'aimait pas parler d'elle, encore moins qu'on en dise du bien. Je vais en profiter, maintenant qu'elle est partie. »
Malgré le sujet du deuil, « Veuf » n'est pas pour autant un document larmoyant et c'est là toute la force et l'intérêt du récit. La sensiblerie que l'on pourrait imaginer laisse place à l'émotion et à la tendresse. Fournier nous parle de son chagrin avec un humour grinçant. Parfois même, le cynisme l'emporte lorsqu'il est question des incongruités du veuvage lorsqu'il faut par exemple, remplir un questionnaire de satisfaction et répondre à la question : « recommanderiez-vous ce crématorium à vos proches ? ». Nous sourions volontiers face aux remarques anodines de l'auteur : « Triste loi des séries : hier j'ai perdu mes lunettes ». Ce court récit minimaliste, à l'image de son titre, aborde les thèmes universels de l'impuissance face à la mort et de la solitude avec légèreté, finesse et poésie. Par petites touches, l'auteur nous livre les fragments d'une vie passée, interrompue brutalement. C'est également en écrivant qu'il peut commencer à se reconstruire et à surmonter la douleur de cette amputation sans anesthésie. le livre est ponctué de phrases percutantes célébrant l'amour perdu : « On était complémentaires, j'avais les défauts, elle avait les qualités ». Chaque matin, il doit se rappeler que celle qui avait envahi sa vie est bien absente malgré tous les objets appartenant à l'absente abandonnés comme s'ils attendaient le retour imminent de leur propriétaire. Et de citer, cette phrase si juste de Garcia Marquez : « Les gens qu'on aime devraient mourir avec toutes leurs affaires ».
« Veuf » est également une réflexion sur la vie et sur le pouvoir des mots « Tout ce que les machines compliquées de la Salpetrière n'ont pas réussi à faire, moi je le fais avec des mots. Je te réanime ». Si l'on ne peut pas « remourir », on peut toujours faire appel aux souvenirs puisque ceux-ci « continuent à briller comme les étoiles mortes »
On peut simplement regretter que les 40 ans passés avec Sylvie n'aient pas été l'objet d'un récit plus développé même si sa brièveté lui donne tout son poids.
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