Il n'est pas sur la même longueur d'ondes. S'il apprend l'autonomie à ses garçons, s'il les arme contre des morales qu'il exècre, s'il les aide à affirmer ce qu'il pressent en eux- et qui le satisfait-, il aura accompli son boulot. En naissant, ses enfants se sont déjà éloignés. Depuis, ils n'ont fait que poursuivre sur cette voie. Lui- même, un jour, marchera derrière eux. Il ne les veut pas tout à lui. Qu'ils se dirigent à leur pas vers un destin qui ne lui appartient pas. Il ne retiendra personne. Qu'ils soient libres. Qu'ils ne lui ressemblent pas s'ils ne le désirent pas- et lui-même leur souhaite mieux.
Il l’abandonne quelques instants. Lorsqu’il la retrouve, elle est allongée sous la couette.
Elle dit : « Je dors. »
Il répond : « Moi aussi. »
Une minute après, elle dit : « Menteur. »
Il répond : « Si je mens, je vais en enfer ! »
Elle lui ouvre les bras de son paradis.
La suractivité est un baume sur les plaies de la culpabilité
Sur ce point, Jeanne et lui ne s'entendent pas.
Ils n'élèvent pas leurs enfants de la même manière. Dans ce domaine, ils ne franchissent pas le cap de leurs différences. Malgré leurs efforts, ils ne trouvent aucun langage commun. Ils sont évidemment d'accord sur la fin et ses déclinaisons: le bonheur de tous.
Quand ses fils reviennent, il remarque : ils ont changé. Du mouvement, il ne perçoit qu'une succession d'arrêts sur image. Mais le film tourne sans lui
Jeanne le rejoint un matin à la terrasse d'un café. C'est un jour de printemps, dix-huit mois après leur rencontre. Elle est lilas coquelicot cerise : un tee-shirt mauve, une jupe orange, des ballerines pourpres. Elle s'assied. Elle porte des lunettes noires qu'il lui enlève : il aime le sourire de ses yeux.
Ils sont assis de part et d'autre d'une table de restaurant, à Montparnasse, dans le quartier des théâtres. Il a choisi l'endroit pour les bougies, qui font danser les yeux des femmes.