Nous ne ratons plus jamais rien. Ni spectacle, ni film, ni sortie, ni nouveauté, ni même un train ou un avion. Rien ne peut être programmé pour nous surprendre. Nous ne courons plus de peur d’être en retard ou de rater quelque chose. Les événements nous ratent car nous sommes définitivement lents et nonchalants. C’est à nous d’écrire les livres qui nous manquent. Si le monde moderne leur prête encore vie.
La nuit s’appelle feu et couvre-feu. La nuit appartient aux coups de feu de la montagne. Elle appartient aux portes fermées qui attendent un jour meilleur. Le matin se réveille aussi assiégé que la veille. L’espèce humaine s’y habitue malgré elle.
Elle se souvient de ses trajets sur ces routes. De sa peur des hommes dans l’autre territoire. Le territoire des quérulents. De sa peur encore plus grande des quérulents sans uniforme que de ceux en uniforme. De sa sensation d’être perdue totalement pour le monde, lorsqu’elle circule seule.
Qu’il est absurde, dans une ville assiégée, coupée des habitudes du monde, de respecter le passage à l’heure d’hiver ! Mais en tournant les aiguilles de nos montres, nous sommes des Européens consciencieux. Et une nouvelle question peut alimenter nos conversations. Tu as oublié de changer d’heure ? L’hiver nous précipitons ainsi plus joyeusement la nuit. Notre vie retrouve le quotidien du dehors et ses ressorts.
Merveille d’agir sur un mécanisme lorsque la vie est devenue survie mécanique.
Nous sommes tous anormaux. Enfermés dans ce cirque de montagne. Sur les hauteurs, les quérulents n’ont d’autres gueules que celles du métal et du feu qu’ils nous destinent. Ils nous sculptent, dessinent nos cages, colorient nos journées, nous modèlent et nous exhibent.