Le crépuscule, encore et toujours. Les étoiles avaient amorcé leur danse estivale, le Triangle d'été glissait vers le nord et la constellation du Scorpion aussi, avec sa queue en forme de pince, son crochet incurvé.
Dès que le canoë toucha l'eau, il avança comme par magie. Les coups de pagaie étaient presque superflus. Il n'y avait pas une ride sur la surface du lac, pas la moindre vague. On voyait le fond. On voyait remonter les crapets, s'enfoncer les nénuphars sous la proue. On voyait les bulles d'air tracer un chemin sinueux derrière le bateau.
Les filles qui restaient à Loose River après le lycée tombaient toujours enceintes et se mariaient à dix-huit ans avant de s'installer dans le sous-sol de leurs parents ou dans un camping-car au fond du jardin. Voilà ce qui arrivait quand on était suffisamment jolie pour devenir pom-pom girl, mais pas suffisamment intelligente pour aller à l'université.
Ma mère ne remarquait pas que je lisais ces choses parce qu'elle ne trouvait pas ce que je faisais intéressant. Au lieu de cela, elle sortait des bocaux pour les confitures ... et quand elle levait les yeux, elle regardait tout droit à travers moi. Je n'ai pas possédé de télévision avant d'habiter à Minneapolis avec Ann, mais dès que j'ai eu un poste, j'ai reconnu la sensation : regarder quelqu'un qui ne vous regardait pas en retour.
- A dix-neuf ans, on se croit aussi vieux que le monde, on pense qu'on a fini de grandir depuis des années. Tu verras.
« À ce moment-là, me demanderaient-ils plus tard, vous aviez certainement compris que quelque chose ne tournait pas rond ? » (p. 163)
Troublante cette adolescente un peu sauvage. L'atmosphère est pesante tout au long du roman. On sent dès le début qu'il va se passer quelque chose et ça nous met mal à l'aise. La nature environnante joue aussi son rôle dans ce roman dérangeant.