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Critique de Bouteyalamer


Hans Berger (1873-1941) est le découvreur de l'activité électrique cérébrale, d'abord détectée à la surface du cerveau au cours de trépanations, puis sur le cuir chevelu quand les détecteurs sont devenus plus sensibles. À la génération suivante, Zénon Drohocki (1903-1978) en améliore l'analyse et ces deux neurologues participent de façon déterminante à la découverte de l'électro-encéphalogramme. Ce livre, « Vies électriques », entrelace deux biographies romancées, les chapitres alternant d'un personnage à l'autre. de fait, il s'agit d'un roman, même si l'auteur rassemble en fin de volume des « sources principales » qui se veulent historiques. Il ne s'agit pas réellement de leurs contributions scientifiques, disponibles par ailleurs sous PubMed : aucune n'est signée d'Hans Berger, et une seule est de Drohocki, dans une version de 2019 publiée onze ans après sa mort.

Dans le roman, Berger est d'abord inspiré par une expérience télépathique. Il comprend qu'il fait fausse route, s'engage dans une carrière scientifique, puis rechute dans la pseudoscience en tant que médecin nazi, proposant la diffusion télépathique « d'ondes de peur » vers les bombardiers ennemis. Quant à Drohocki, nous le découvrons quand il est arrêté par la SS et envoyé à Auschwitz où il est affecté à l'infirmerie. de façon quelque peu surprenante pour ce lieu, il ouvre une consultation de neuropsychiatrie. Ayant connaissance d'une efficacité des électrochocs dans les dépressions graves, il obtient la construction de l'appareil ad hoc, et, faute de médicament, propose de l'employer chez les dépressifs. Les SS accordent une compassion suspecte aux déprimé(e)s parce que la première séance chez une jeune femme est fortement érotisée, avec des contorsions dignes des séances d'hystérie provoquées jadis par Charcot : « Les convulsions ont rendu cette triste femme très désirable. Elle semble se donner un plaisir inimaginable avec lequel aucun amant ne pourrait rivaliser. Pendant ces quelques secondes, ce n'est plus une séance d'électrochoc, mais une lanterne magique projetant des images obscènes qui nourriront de nombreuses nuits. Les seins généreux de la jeune Dora continuent à tanguer de droite à gauche », etc. (p 146). le récit mentionne deux spectateurs SS par séance, les électrisés étant quasiment toujours des femmes. Il s'abstient de préciser l'indication des électrochocs ou leur éventuel résultat sur l'humeur, mais il enregistre leurs complications — fractures, luxations —, liées au défaut d'anesthésie et de contention. Après le contrôle des séances par Drohocki, elles se poursuivent sous les mains de Josef Mengele qui exploite la convulsivothérapie comme punition, et enfin comme méthode de mise à mort.

Il est possible que les dérapages de Berger et Drohocki leur aient été imposés dans le contexte du nazisme. Si l'on s'abstrait du contexte moral, le livre est agréablement écrit, mais il pourrait être plus court. Frioux à sa dernière page cite un autre survivant, Primo Levi, déporté au même camp d'extermination que Drohocki. Je conseille de lire ou relire « Si c'est un homme » avant d'aborder « Vies électriques ».
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