Quand j’écris, chaque mot est une caresse, chaque idée un baiser, chaque phrase une étreinte.
C’est un moment entier, un moment dense, concret, étranger, que ce moment de l’écriture.
Car l’écriture vous possède tout en vous laissant croire qu’elle vous appartient. Et comme la chair a son plaisir, l’esprit connaît en elle une fulgurance exquise qui l’éloigne un instant puis le rejette à terre, vidé et comblé à la fois.
Mais n'est-ce pas grâce à une toute autre force que la femme incite l'homme à créer ? Simplement par le fait qu'elle, de par sa nature, dispose de ce pouvoir de créer ; pouvoir que l’homme n'a pas.
Il ne faut pas donner aux auteurs de fiction plus de poids qu'ils n'en ont. L'idéologue pousse à l'action. Le romancier pousse au plaisir.
Et moi, j'aime l'inexistant: je le traque, je le saisis, je le dévore, je le digère et je l'offre à ceux qui n'ont pas assez d'imagination pour aller à sa rencontre.
« Alors, que voulez-vous, en travaillant ainsi, je ne pose pas des mots sur le blanc de ma feuille, j’y couche des âmes. »
Sans une femme près de lui, l'artiste peut-il créer ?
« Loin des yeux, loin de l’esprit ! Voilà mon credo. Si je me suis isolé c’est uniquement pour réapprendre l’écriture, sans influence, sans désir d’imiter ou de suivre une mode ou de contredire mes aînés ou de contrecarrer mes pairs. L’écriture pour l’écriture, sans volonté ni de séduire ni de détruire. L’écriture hors du monde. L’écriture sans tâche. Renaître à la création littéraire avec la même innocence que celle du premier artiste lorsqu’il inventa la jouissance d’appliquer des couleurs sur les parois de sa caverne.
« La mort n’a rien de concret : elle est, par définition, ce qui n’existe pas. Et moi, j’aime l’inexistant : je le traque, je le saisis, je le dévore, je le digère et je l’offre à ceux qui n’ont pas assez d’imagination pour aller à sa rencontre. Alors, vous voyez, la mort, c’est bien la dernière chose qui puisse me faire peur. »
Croyez-vous que celui qui trucide des jeunes filles de papier et d'encre n'a pas, au fond de lui, les mêmes abominables pulsions que celui qui égorge des jeunes filles de chair et de sang ?
Sa démarche était souple et énergique. Était-ce la solitude dans laquelle il vivait depuis quarante ans qui l'avait retenu de vieillir ? Ou était-ce l'apanage du génie que d'être autorisé à se maintenir à l'écart des tourments de l'âge communs au reste de l'humanité ? Un droit à un avant-goût d'immortalité en somme