AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de hcdahlem


En préparant la grande fête
Dans ce premier roman choral, Camille Froidevaux-Metterie donne la parole à un bébé, puis à de nombreuses femmes et dresse ainsi un joli tableau de leur place dans la société, de la maternité à l'émancipation. Vers la libération du corps et de l'esprit.

La première à prendre la parole dans ce roman choral est la petite Ève qui vient de naître. de son berceau, elle raconte l'agitation autour d'elle, sa vision du monde, ses stratégies pour retenir l'attention et satisfaire ses besoins vitaux. À travers son regard, on comprend aussi qu'elle a tout l'amour de Stéphanie, sa mère qui a continué à se battre avec ses peurs. Peut-être est-il temps de faire désormais confiance à cette fille qui a l'air bien déterminée à prendre sa place dans le monde.
En attendant, c'est à cette cheffe de cuisine, qui a livré un rude combat pour être mère, d'entrer en scène. Après avoir réussi à se faire une place dans un monde d'hommes, elle vient de concrétiser un second rêve, avoir un enfant. Ève est née par PMA, après un difficile parcours de combattante qu'elle a conclu en Espagne. Désormais, elle va pouvoir élever sa fille seule, comme elle l'a souhaité. Pour remercier Greg, le «père intime», et rassembler autour d'elle sa famille et ses amies, elle prépare une grande fête. Mais en attendant le grand jour, la parole est aux invitées, en commençant par Corinne qui s'est toujours voulue femme libre. Mais elle s'est perdue dans les bras des hommes, cherchant du réconfort dans le sexe, sans trouver l'amour. «Moi je n'ai pas de lac aimant où plonger, personne pour confirmer que je demeure aimable par-delà le passage des ans, aucune caresse quotidienne venant effacer les fameux outrages. Moi, il me faut affronter seule l'entrée dans la zone d'inconfort qui précède la zone de relégation.»
Sa soeur Lucie a suivi un parcours classique. Mariée, deux enfants, une profession d'avocate très prenante. le schéma classique du couple qui s'use et l'envie d'aller voir ailleurs si l'herbe est plus verte. Peut-être dans les bras d'un confrère. Elle a aussi caressé le rêve de partager aux côtés de Stéphanie son désir d'enfant. Un fantasme de plus dans une vie qu'elle a de plus en plus de peine à maîtriser. Son mari l'a quittée pour une plus jeune et elle se sent désormais bonne pour le rebut.
Lola, sa fille, raconte lors d'un cours sur la sexualité, que l'on peut désormais faire des enfants avec des éprouvettes. Un sujet délicat à aborder en classe, mais qui a le mérite de lancer un débat que les deux responsables du cours auraient préféré éluder.
C'est alors que Nicole, la mère de Stéphanie, vient ajouter sa voix très discordante. «C'est tout de même ahurissant quand on y pense. Cette enfant est née de nulle part, personne ne sait qui sont ses géniteurs, pas même Stéphanie! Cela dépasse l'entendement.» Opposée à ce projet, elle s'est résignée mais raconte que sa fille est «tombée enceinte à l'occasion d'une relation sans lendemain et que, étant donné son âge, elle a décidé de garder l'enfant».
En confrontant les générations et les avis, Camille Froidevaux-Metterie évite à la fois tout manichéisme et donne à voir la complexité de la question.
Charline qui a été victime d'agression sexuelle, Kenza à qui on vient de détecter une tumeur au sein, Colette qui regarde sa longue vie entourée de copines, Manon qui a ses premières règles et Jamila, la nounou qui aimerait tant avoir un homme à ses côtés complètent ce choeur de femmes en y ajoutant autant de nouvelles facettes. Elles vont toutes se retrouver pour un final surprenant.
En prolongeant Un corps à soi, son essai paru en 2021, ce détour par la fiction permet à la primo-romancière de mettre en scène les problématiques qu'elle étudie, le corps de la femme et ses transformations, les injonctions et les représentations que des années de patriarcat lui ont assigné. Des premières règles jusqu'à la ménopause en passant par la grossesse ou la maladie, en l'occurrence le cancer du sein. Mais la construction du roman permet aussi de confronter les femmes et leur psychologie à des âges différents, entre celle qui a vécu sous un patriarcat étouffant, celles qui ont essayé de se libérer de ces chaînes – et du schéma maternel – et celles qui voient l'avenir avec plus d'optimisme. Si elles parviennent toutes à se retrouver, alors un nouveau contrat social est possible. Pour une vie pleine et douce.

Lien : https://collectiondelivres.w..
Commenter  J’apprécie          460



Ont apprécié cette critique (41)voir plus




{* *}