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Critique de Tachan


Depuis l'explosion de sa carrière avec Chainsaw Man, Tatsuki Fujimoto a fait couler beaucoup d'encre, au point que la sortie de chaque nouveaux titres du monsieur, en particulier ses oneshots ses derniers temps, est un petit événement. Justifié ou pas, c'est à chacun de voir.


L'an passé, j'avais pour ma part eu un petit coup de coeur pour Look Back qui parlait avec émotion du harcèlement scolaire, du poids de la société et d'amitié également. Voyant l'auteur reprendre le format et une certaine narration graphique qu'il se plaît à déployer depuis, je suis donc allée confiante vers Adieu Eri, son nouveau oneshot, avec une histoire complète sur 200 pages. Verdict, ai-je aimé ? Oui. Ai-je eu une petite claque comme pour Look Back ? Pas vraiment.

L'effet de surprise est passé. Je connais désormais les effets de manche de l'auteur, son goût pour le cinéma et la façon dont il le retranscrit ici, ce qui fait perdre de son impact à l'oeuvre. Elle n'en reste pas moins très intéressante et peut se lire à de multiples niveaux, ce qui fait qu'elle laisse une trace sur le lecteur. Mais je n'ai pas ressenti l'émotion percutante de son précédent travail, c'était plus prévisible et hermétique en même temps. Il m'a manqué quelque chose.

Les thèmes sont cependant intéressants. Il y a un côté très méta à l'oeuvre et une mise en abîme qui interroge vraiment sur la part de lui-même que l'auteur a peut-être mis ici. Au passage, si ce n'était pas le cas et que c'était uniquement de l'esbroufe, j'avoue que je serais déçue, voire un peu en colère face à cette arnaque au sentimentalisme. Mais ne sachant pas, je passe.

Ici, j'ai beaucoup aimé tout d'abord le thème autour de la fin de vie, que ce soit pour maladie ou pour dépression, l'auteur a su me toucher. Il est très âpre dans sa mise en scène de ce moment. Il ose montrer le drame et l'horreur que cela représente mais en plus, il ne fait pas de ces personnages-là des saints, loin de là. Cependant à travers le bien de la mémoire, autre thème phare de l'oeuvre, il montre comment on peut réécrire les souvenirs qu'on a d'une personne, en ne se souvenant que des meilleurs ou que des pires. Il montre l'importance du regard, regard qu'on porte sur les autres, regard qu'on transmet, et j'ai trouvé cela très fin.

L'autre thème évident est bien sûr celui de la création, ici à travers celle des projets de films du héros. Il a à nouveau un discours très ciselé et puissant, notamment sur les documentaires, qui ne sont rien d'autres que des oeuvres orientée, avec un point de vue. Cependant, la façon dont il se sert de ce média comme support narratif de son histoire est très bien pensé. Il mélange ainsi le fond et la forme dans une recette très efficace où la redondance du découpage lui donne aussi sa force et son originalité, de même que son jeu entre flou et net, révélant la frontière entre réalité et fiction. On a l'impression d'être devant une pellicule de cinéma qui se déploie devant nous, qu'on film, coupe, assemble. C'est très intéressant et cela offre une diégèse puissante à analyser sur ce médium et le rapport de l'auteur lui-même à celui-ci.

Bien sûr tout n'est pas parfait. En se plaçant du point de vue du narrateur d'une manière aussi extrême qu'ici, en étant derrière la caméra, cela installe une forme de distance avec nous, une distance certes artistique et presque psychanalytique, mais qui est aussi un frein pour les lecteurs comme moi en recherche d'émotion. J'aime avoir des personnages qui ne sont pas forcément facile à aimer, mais ici, ce fut parfois très dur juste de tendre le doigt vers eux pour les effleurer. J'ai d'ailleurs trouvé la pseudo touche fantastique de trop et assez ridicule, j'ai préféré le côté bien plus humain du reste, avec cette importance du regard, de l'autre, de soi, du réalisateur, de l'acteur, du spectateur...

Oeuvre puissante et marquante dans le sens où elle regarde d'éléments à interpréter à de multiples niveaux, Adieu Eri m'a cependant moins conquise que Look Back, le précédent condensé en un volume de l'auteur. Si je la trouve réussie dans son fond, elle ne l'est qu'en partie dans sa forme où à force de reprendre les mêmes techniques, l'auteur leur en fait perdre de la force d'impact. Je suis donc séduite par le potentiel d'analyse mais ça manque de coeur pour moi.
Lien : https://lesblablasdetachan.w..
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