Citations sur Iochka (23)
Il y a des formes de langage qui ne sont pas encore nées au monde, qui sont enfermées dans les objets depuis leur origine et cherchent à l'intérieur de l'homme la façon d'être dites et mises en jeu entre les hommes, et ces trois-là, car l'enfant prenait part forcément à leur tentative pour parler entre eux, semblaient être sur le point d'en trouver une, de dire ce qui ne s'était jamais dit, choses d'une banalité merveilleuse, si fortes qu'elles n'avaient jamais réussi à sortir, malgré tous les efforts, de leur état larvaire et d'exister réellement.
On n'oublie pas les choses, on oublie la manière dont elles sont nommées ; on n'oublie pas les gens, on oublie leur nom, ils deviennent ainsi immortels. Ilona le savait mais sans avoir la possibilité de le dire, par ce biais même sa science dépassait I'humain, sa science était pure comme elle, du même niveau de pureté que l'icône et ses personnages, par le fait qu'elle n'était pas nommée, ni dite, de cette manière elle se soustrayait au temps, à l'assujettissement, à la mort. Se taisant, les icônes ne disent donc pas l'immortalité - qui pour les humains est illusoire - et c'est pourquoi elles survivent au temps.
Deux hommes silencieux qui restaient assis ensemble sur un même banc à regarder les mêmes choses. Ils taisaient leur mutisme bien mieux que tout autre, ils se taisaient et regardaient, et quelque part dans l'espace créé par leur silence s'inscrivait le monde qu'ils habitaient depuis toute une vie; dans leurs yeux logeaient la vallée, tous leurs souvenirs, peu nombreux, souvenirs de gens simples et silencieux.
Il était harassé, il s’est laissé tomber comme une grosse pierre, puis a attrapé la bouteille devant lui et a bu, avec une grande soif à même le goulot, oubliant l’usage des verres.
Il a attrapé une autre bouteille dans le placard et deux petits verres propres ….
Le contremaître, le docteur et le pope vidaient verre après verre…
Car l’oppression ne vient pas que des grands de ce monde, on la trouve aussi à d’autres niveaux, si un satrape est maître absolu de ses ministres, de même ses ministres règnent sur leurs subordonnés et ainsi de suite jusqu’au dernier paysan
Est-ce que ce qui n’est pas pensé peut exister ? Y a-t-il au monde une chose vraiment historique si un seul homme ignore son existence ?
Un paradis d’avant et d’après le désastre qu’est toujours la civilisation, un lieu oublié et pour cette même raison inoubliable, immortel et vivant dans la mesure seule où le vivant, dans ce qu’il a de plus essentiel, échappera toujours à la compréhension humaine. Un paradis qui attendait sa mort, rien de plus. Et les gens qui étaient en lui, vieillissant sans le sentir, attendaient leur mort, eux aussi.
ls avaient tous les deux milité dans l’illégalité, ils avaient lutté pour un monde meilleur qu’ils ne voyaient nulle part maintenant, ils avaient voulu que les paysans et les ouvriers ne connaissent plus la pauvreté et ils avaient juste réussi à les rendre plus pauvres, ils le savaient parfaitement, ils essayaient de faire le bien autant qu’ils le pouvaient par une bonne action pour un tel ou pour un autre. Impossible d’en faire davantage. Ils vivaient avec cette frustration comme ils respiraient, ils aidaient les gens autant qu’ils le pouvaient, ils défendaient leurs ouvriers chaque fois qu’il y avait un problème, le rêve pour lequel il avait vécu s’était évanoui pour laisser place à une misère plus terrible que celle d’avant. Les pauvres étaient encore plus pauvres, les riches n’avaient pas disparu. Et pourquoi tout ça ? Était-ce pour cette pauvreté qu’ils avaient lutté ?
Ces hommes étaient libérés de ce que lui n’avait jamais connu, personne ne les menaçait plus, personne ne mettait en danger leur vie et celle de leurs familles, ça il le comprenait, il était clair pour lui que, pendant la guerre, par exemple, il n’avait pas été libre de faire ce qu’il voulait, ni plus tard quand il était prisonnier. Des gens haut placés, pouvaient le condamner à tout moment à être fusillé, lui avait dicté ce qu’il devait faire et comment il devait vivre. C’était cela l’absence de liberté aurait dit le vieux Iochka si on le lui avait demandé. La liberté, selon lui, c’était de vivre sans être menacé de mort par les gens qui disposent de votre vie.
Mais, le plus clair du temps, la vallée ressemblait à une station de villégiature où les gens s’adonnait à la boisson et à ne rien faire, activités élevées avec le temps au rang de l’art. Il y avait une centaine d’ouvriers et normalement cette voie ferrée aurait pu être construites en quelques mois, un an maximum, mais le travail durait déjà depuis une dizaine d’années et il n y avait pas le moindre risque que les rails dépassent réellement un jour l’endroit où se trouvait la maison de Iochka et encore moins qu’il avance dans la montagne de derrière et qu’ils en atteignent le bout.