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Critique de HundredDreams


Pour un premier roman de l'auteure québécoise Mireille Gagné, je trouve « le lièvre d'Amérique » particulièrement réussi.
J'avais d'abord repéré la magnifique couverture avec ce lièvre qui accroche le regard. Et les avis de nombreux lecteurs ont fini de me convaincre.
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« le lièvre d'Amérique » est une fable animalière qui m'a surprise par sa modernité, son étrangeté et son originalité. Elle nous invite à nous interroger sur les dérives de la vie moderne, la souffrance au travail qui incite à toujours plus de performances, mais occasionne par la même, anxiété, stress, fatigue et dépression.

« Elle s'assoit devant son ordinateur et ouvre ses courriels. Déjà cent-vingt-huit non lus ; deux-cent-vingt-quatre notifications. Et ça la frappe en plein visage. L'humain pourra-t-il survivre à ça encore longtemps ? »
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Ce roman est court, rythmé, mais surtout très surprenant par sa construction que je trouve vraiment brillante, très curieuse par son aspect fragmentaire et le changement de style littéraire. Ce procédé littéraire est une grande réussite et m'a tenu en haleine jusqu'au bout.

Le lecteur suit Diane à trois moments clés de sa vie. Chaque temporalité s'adapte à merveille à chaque période de sa vie, offrant un mode de narration différent, des émotions différentes.
Le récit est entrecoupé de petits textes documentaires sur le lièvre d'Amérique, permettant de faire sens avec l'histoire de la jeune femme.

« le lièvre d'Amérique (Lepus americanus) est un petit mammifère … largement répandu au Canada et au Québec… À l'opposé de son cousin le lapin, le lièvre préfère fuir plutôt que de se cacher pour échapper aux prédateurs. »

Si le début du roman demande un petit temps d'adaptation à cause de l'écriture et de l'intention de l'auteure de nous laisser dans le flou, l'envie de comprendre le lien entre Diane et le lièvre d'Amérique est la plus forte.
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Diane, quelques jours avant l'opération chirurgicale
Diane est perdue, proche du burn out.
Un texte sans ponctuation, une succession ininterrompue d'actions montrant Diane au bord de la rupture, courant après le temps et son désir de perfection.
L'aliénation par le travail.

« Elle se réveille toujours à la même heure se douche s'habille se prépare déjeune s'en va travailler sept jours sur sept emprunte le même chemin ne parle à personne sauf si c'est pour exécuter une tâche sept jours sur sept ne possède aucune relation en dehors du travail fille unique ça fait au moins quinze ans qu'elle n'a pas vu ses parents ni ne leur a parlé bosse dur toute la journée sept jours sur sept exécute toujours davantage de tâches que les autres ne montre aucun signe de fatigue ni de défaite … »

Jour 0
Diane se réveille chez elle après voir subi une opération chirurgicale.
Laquelle ?
L'auteure reste très vague pour le plus grand plaisir du lecteur qui intrigué, va reconstituer petit à petit le cheminement de la jeune femme qui la conduise à désirer cette opération et à subir les conséquences sur sa vie future.

Les jours suivant l'opération
Les effets secondaires apparaissent rapidement.
Le lecteur suit jour après jour ses transformations physiques, mais aussi les changements de personnalité et de comportements.
La vie de Diane bascule peu à peu alors que ses rêves la ramènent, adolescente, sur son île natale et à son premier amour, Eugène, un jeune adolescent fasciné par les animaux en voie de disparition.
Je me suis demandée si Mireille Gagné n'avait pas choisi le prénom d'Eugène en rapport avec le courant de pensée eugénique.

« J'aurais pu te dire qu'il n'y a réellement rien d'anormal sur cette île. Sauf peut-être la solitude qui s'abat quand l'hiver ne veut plus partir. D'abord toute petite, puis du jour au lendemain, intolérable. Et le temps qui se morfond. Les insulaires doivent se terrer chez eux. le sentiment d'oppression aussi qui grandit avec l'étale de la marée. L'attente qui devient insupportable. Des fois, on a l'impression d'être prisonnier, que le plein de l'eau ne veut plus nous quitter. »
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Pour conclure, en dressant le portrait de Diane, « le lièvre d'Amérique » est une percutante critique de nos modes de vie. Ce roman réussit de manière subtile et efficace à nous interroger sur notre place dans la société, sur notre rapport au travail et nos difficultés à concilier métier, vie personnelle et vie familiale.

Oscillant entre conte fantastique et fable animalière, ce premier roman est une belle réussite littéraire qui puise dans l'imaginaire des légendes pour comprendre le monde d'aujourd'hui. Je vois dans ce texte une quête d'un retour à la nature et à nos racines.

Peut-être vous reconnaîtrez-vous dans Diane ?
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