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Critique de Yaena


Yaena
06 septembre 2020
Dans « Dites leur que je suis un homme » j'ai trouvé sous la plume de Ernest J. Gaines un plaidoyer émouvant dépourvu de haine.. Dans « Par la petite porte » j'ai retrouvé toute la subtilité de l'auteur et sa grandeur d'âme.
L'auteur nous raconte l'histoire de Cooper dont la mère a été violée par le propriétaire de la plantation. Maintenant l'oncle de Cooper qui a repris la direction de la plantation est mourant et Cooper entend bien réclamer sa part de l'héritage et il le fera en passant par la grande porte et non par la petite, réservée aux esclaves.

Tout au long de ma lecture, j'ai été bercée par la voix de Félix, le conteur. Celle ci s'est imposée naturellement dans ma tête. Posée, ronde, un peu affaiblie par les années et marquée par l'accent des anciens esclaves. Accent que je n'ai jamais entendu, c'est vrai, mais dont je devine la véracité dans l'écriture de EJG . Ce n'est pas celui auquel les auteurs ont souvent recours, pas de « missié », « p'ove » … non. Ici on devine toute la tendresse et le respect pour cette façon de s'exprimer, qui oublie le « ne » des négations, qui inverse l'ordre établi des mots, ou encore qui en occulte d'autres. Ce choix d'écriture est un véritable hommage et une marque de respect. EJG n'a pas cherché à faire de ces hommes des gens présentables pour les blancs. Il n'ont pas besoin de ça pour être dignes. Il décrit ces hommes au plus près de ce qu'ils sont jusqu'à leur langage. Peu importe d'ailleurs les fautes du vieux Félix, on sent toute la perspicacité et la vivacité d'esprit de cet homme qui se garde bien d'en dire trop. Si un blanc pense être moins futé qu'un noir il pourrait mal le prendre, mais le regard de cet homme sur le monde n'en est pas moins celui d'un vieux sage.

J'ai eu un véritable coup de coeur pour ce personnage, mais ce n'est pas une raison pour en oublier le thème principal : le différent qui oppose Cooper et Franck et qui peut paraître futile au regard de tout ce qu'il reste encore à faire à l'époque, mais qui est à l'image de la complexité de ce monde. Si l'esclavage est aboli le ségrégationnisme est à son apogée, les noirs semblent encore entravés par des chaînes et les blancs se comportent encore en maître. Une volonté de liberté commence à naître chez les noirs et une prise de conscience commence à de faire chez les blancs.
Là encore EJG fait preuve de beaucoup de subtilité et nous offre 2 personnages d'une grande complexité, incarnés, et pleins d'épaisseur.
Franck est une allégorie de cette époque qui prend fin, comme lui elle est vieille et mourante mais tient bon et ne se laissera pas achevée si facilement. Cooper lui représente l'avenir, qui pourrait se révéler sanglant s'il se laisse aveugler par l'impulsion et la fouge de la jeunesse malgré la nécessité de la lutte.

En peu de pages (107) EJG nous offre un récit humble et percutant qui hantera longtemps la mémoire des lecteurs. Un auteur qui impose le respect et vous fait sentir tout petit.
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