— Je n’imagine pas une femme capable de commettre de telles atrocités, rétorqua Robin en regardant le portable de Strike, posé sur le bureau.
— C’est que vous ne connaissez pas l’histoire de cette Australienne qui a écorché son amant, lui a coupé la tête et les fesses et les a fait cuire en ragoût. Elle a poussé le vice jusqu’à servir le plat aux enfants de sa victime.
— Vous plaisantez ?
— Pas du tout. Vous n’avez qu’à regarder sur Internet. Quand les femmes s’y mettent, elles n’y vont pas de main morte.
Pour peu que vous fassiez correctement votre boulot, on ne vous interrogeait ni sur votre passé ni sur vos parents.
Strike s’était toujours demandé pourquoi le public avait tendance à considérer les gens célèbres comme des saints, alors même que les journaux les éreintaient, les traquaient, les traînaient dans la boue. Peu importait le nombre de stars convaincues de viol ou de meurtre, la croyance populaire persistait : Non, pas lui. Il n’aurait jamais fait ça. Il est célèbre.
« Je croyais que tu n’aimais pas les petites femmes.
— Je ne les aime pas, répondit calmement Strike. Elle a fauché un truc pour moi, hier.
— Ah oui ? Eh bien, à ta place, je lui exprimerais ma gratitude en la laissant monter sur toi, sinon tu risques de l’écraser comme une crêpe. »
Les livres, il faut savoir les vendre, les promouvoir. C’est le boulot des éditeurs que de leur donner le coup de pouce nécessaire.
Edifiée à l'ère victorienne, l'immense bâtisse rectangulaire se dressait dans la pénombre hivernale, comme un temple voué au culte de la viande. Depuis des siècles, chaque jour de la semaine, dès quatre heure du matin, on y déversait des tonnes de barbaque qui finissaient, une fois dûment découpées et emballées, dans les multiples boucheries et restaurants de la capitale. Des voix résonnaient dans la nuit. Les livreurs s'interpellaient, lançaient des ordres. On entendait gronder le moteur des camions qui reculaient lentement jusqu'aux quais de déchargement en émettant des bips sonores. Sur Long Lane, Strike se mêla aux travailleurs emmitouflés qui déambulaient dans le quartier. On était lundi.
Sous le griffon de pierre montant la garde au coin de la grande halle, un petit groupe de coursiers en gilets fluorescents serraient des tasses de thé entre leurs mains gantées. Sur le trottoir d'en face, le Smithfield Café brillait comme un brasier dans la pénombre. Dans ce refuge à peine plus grand qu'un placard, on pouvait trouver de jour comme de nuit un peu de chaleur et de friture.
Le désespoir m'est si familier que je ne sais espérer...
Mais les écrivains sont une drôle d'engeance, Mr Strike. Si vous cherchez des amitiés sincères, généreuses et pérennes, engagez-vous dans l'armée et apprenez à tuer. Si vous préférez les liens éphémères avec des gens qui exercent le même métier que vous et se réjouiront de tous vos échecs, écrivez des romans.
Et avec cette même volonté qui lui avait permis, à l'armée, de s'endormir n'importe où - sol en béton, cailloux, lit de camp aux ressorts grinçant sous son poids au moindre mouvement -, il sombra doucement dans le sommeil, comme un navire de guerre fendant une mer d'encre.
QUESTION
De quoi donc te nourris tu ?
RÉPONSE
De mes insomnies.