Ils poussèrent plus au nord, à travers les bouquets de pins d’Oregon et quelques rares clairières envahies d’épineux. Ils traversèrent une zone déboisée. Sur leur gauche, les sommets de la ligne de partage des Rocheuses flottaient dans le lointain. Ils longèrent une corniche hérissée de granit. Sur les rochers, le lichen était d’un orange éclatant, et pour la première fois, il aperçut les prairies luxuriantes de North Park en contre-bas, comme un rêve d’océan bleu-vert, ou la robe même dont l’été venait de se dépouiller. Avec les Neversummer Mountains se profilant à l’horizon, Mike se dit que c’était le plus beau coin qu’il ait jamais vu. Il envia les hommes dont c’était le travail de rentrer tous ces foins. […]
Caracolant dans les hautes herbes au crépuscule, leurs épis caressant le ventre et les flancs de sa monture, la pointe de ses bottes déjà trempée, Mike était heureux.
Oscar ne pensait pas non plus qu'il fallait donner des noms aux fleurs. Et d'où venait ce besoin d'en parler ? Qu'est-ce qu'elles représentent pour nous ? Tous les plaisirs. Toutes les couleurs de l'ecchymose sur les contreforts des montagnes. Les pâturages et les prairies vibrent de milliers de fleurs. Elles sont le souffle coupé des forêts. translucides le jour, resplendissantes dans leur sommeil. Rouge cramoisi ou bien bordeaux, bleu azur ou saphir, nous ne représentons rien pour elles, pas même un danger.
Alors pourquoi vouloir les offrir à nos bien-aimées ?
Il s'était surement fait des ennemis parmi les nouveaux arrivants, les chassant quand ils pénétraient ou braconnaient sur ses terres, allant jusqu'à fermer la route qui passait par son ranch. Ad était jaloux de sa solitude. Il faisait ce qu'il pouvait pour protéger son espace vital, sa paix, ses souvenirs de l'autre monde, le monde qui existait avant celui-ci, une façon de vivre qui promettait de ne jamais connaitre de fin et qui pourtant en connut une.