Surtout pas d'appareil photographique, caméra et ainsi de suite : les beaux paysages ne se captent pas dans les boîtes, ils s'installent dans les sentiments.
Selon sylvain Tesson: " Il faudrait ériger le conseil de Baden-Powell en principe:
Lorsqu'on quitte un lieu de bivouac, prendre soin de laisser deux choses. Premièrement : rien Deuxièmement: ses remerciements." L'essentiel? Ne pas peser trop à la surface du globe. "
Ne rien laisser derrière soi. Ou une trace qui s'effacera.
Ce matin-là, c'était l'automne, la montagne explosait de couleurs. Les arbres moutonnaient en sinusoïdes sur ses pentes dans des dégradés de jaune, d'orange, de rouge. Pas un nuage dans le ciel. En sortant de la voiture, j'ai pris le soleil en pleine figure. J'ai suivi mon père en silence. Le sentier démarrait fort.
Sur un gros hêtre au tronc torturé, une marque jaune à demi effacée indiquait le sentier, trop étroit pour marcher à deux de front. J'ai glissé mes pas dans ceux de mon père. Je me suis enfoncé jusqu'aux genoux dans les feuilles mortes qui tapissaient le chemin. Sensation de fouler une neige fraîche, légère.
Cette nuit -là je suis parti avec lui( Vincent Munier dans le livre Tibet: Promesse de l incisible") en lisant cette phrase:"j ai compris depuis longtemps que la liberté ne se trouve pas dans les kilomètres parcourus,ni dans la quête de la rareté ou de l extreme,mais dans la contemplation amoureuse du vivant; qu il doit une panthère des neiges,un envol de rouge- gorge ou une fougère dans un muret de pierres"
A chaque moment de ma vie, ils sont là. Les arbres jalonnent mon parcours, ils m'attachent à la terre, ils sont autour de cette cabane, ils sont ces frondaisons qui m'abritent du soleil, ces branches qui me donnent du bois pour me chauffer, ces repères que je cherche partout.
Un paysage n'existe que parce qu'il est observé avec ses propres émotions.
Le silence est un cadeau.
Un hêtre se tenait en équilibre sur un talus, logeant ses racines boursouflées dans un vieux muret sur le point de s'écrouler, un autre avait renoncé, laissant retomber sur le bord une chandelle de bois cassé.
Le feu de bois danse sur la vallée d'ombres, en dessous. Ses mèches dessinent un halo doré dans l'obscurité.
Je suis venu ici avec un sac à dos pour seul bagage, sans vraiment savoir pourquoi, à part que je voulais me délester et mettre en sourdine ce que j'étais.Ici par la force des choses, je redeviens un être organique. Je sais pourquoi j'ai chaud, pourquoi je suis fatigué, pourquoi j'ai mal.