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Critique de Slava


Espagne, Andalousie, un village quelconque dans le début du XXeme siècle. Une noce se prépare : un jeune vigneron va épouser une belle fille à la dot assez conséquent et le mariage promet grandiose. Seule la mère du futur époux voit les festivités de mauvais oeil : endeuillée par des tragédies, elle s'inquiète sur la présence des couteaux... mais elle ne dit rien. Or, alors que la fête bat son plein, voilà qu'on apprends que la future mariée s'est enfuit avec son amant ! Furax, le marié part à leurs traces et ce sera le début de sa perte. Ce seront des noces de sang.
Cela faisait longtemps que je voulais lire cette célèbre pièce espagnole du grand Lorca et voilà cette occasion réalisée. le moins qu'on puisse dire est que c'est une pièce magnifique, d'une poésie ravissante mais tragique. Une pièce où prédomine le sang, comme le titre l'indique d'emblée, où la mort rôde sournoisement et attaque férocement, ne laissant que des pleurs et des vies brisés.
Le sang est le thème dominant en effet. le sang de la famille qui est capital et définit le clan ainsi que sa descendance éventuelle. le sang de la vigne, crucial dans le contexte agricole de la pièce. le sang d'une mariée qui sera dédié à un futur époux lors de ses noces, en vu de donner des enfants. Mais c'est surtout le sang de la mort qui est omniprésent, le sang qui coule des cadavres par le biais des couteaux. Les couteaux, vecteurs de trépas, jouent également un rôle funeste, symbole d'un deuil, symbole de la tragédie à venir avec son lot de superstition (ce qui n'est pas étonnant vu le milieu). Dès l'apparition du couteau, on pressent le drame qui va en découler.
Lorca montre aussi une vie rurale rythmé par les préoccupations agricoles où les femmes n'ont pas une condition enviable. En effet, Lorca dénonce le poids des traditions et du machisme sur la vie des femmes qui ne doivent connaître qu'un homme et ne le regarder que lui et sont forcées de vivre cloitrées dans leurs maisons jusqu'à la fin de leurs jours et cela pour enfanter, une assignation présente depuis la nuit des temps et qui hélas est toujours actuel dans nombre de pays. La mariée, qu'on pense soumise au départ, tente de se rebeller en partant avec son amant, un ami d'enfance qui n'a jamais pu l'épouser et à du se contenter d'épouser une autre, mais l'escapade aussi libératrice qu'elle soit se terminera bien mal. de même, la mère, la figure la plus tragique, représente la femme prisonnière de ce milieu et qui a fini par se résigner de son statue d'épouse et de mère mais qui aime sincèrement son fils et pleure ses morts. C'est un dame qui a beaucoup souffert et bien qu'elle nous parait une vieille aigrie, grincheuse et coincée, c'est une victime qui voit le pire arriver.
Si la pièce est très réaliste où les coutumes sont bien retranscrites, la dernière partie voit déployer le surréalisme cher à Lorca et qui était en vogue en son temps, mais d'une telle originalité et poésie : la lune est une entité masculine qui veut se rougir du sang des amants, et la mort est une mendiante dont l'apparition n'est jamais anodin.
Quant aux chansons qui rythment la pièce, elles sont très belles, imagées mais avec toujours une connotation macabre, signe que la mort hante toujours l'oeuvre.
Et évidemment, une fin... tragique. Pas de surprise, le sort est jeté et les noces finissent dans le sang, avec son lot de regret.
Une pièce incontournable de la culture espagnole, mais qui est aussi représentative de la fatalité du destin, de l'amour passionnel et du poids lourd des traditions sur les femmes qui brisent des rêves et des vies. Une pièce où on en ressort avec le sang justement.
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