Le secret de famille est un des thèmes favoris de la littérature tant le trou qu'il offre dans l'histoire, borné d'un panneau orientant vers une fausse direction, est stimulant pour l'imagination.
François Garde commence par cela, à partir de la poudre aux yeux dont il a hérité, il construit l'histoire forte d'un bannissement dans la fin d'un XIXe siècle où la toute-puissance paternelle écrase les familles.
Mais le secret de famille n'est pas un effacement, c'est un mode de transmission, c'est remettre à plus tard (et à d'autres) ce qui ne peut s'intégrer maintenant. C'est un interdit d'aller voir là maintenant, et un détournement fort habile qui reporte à plus tard, lorsque les gros yeux de l'interdit se seront fermés et n'empêcheront plus les questions. le secret de famille est l'art de détourner l'attention tout en transmettant des éléments du réel, tout cela tenant souvent en une à deux phrases, du grand art. Un jeu de piste qui n'est accessible qu'à partir de la génération n+2 et avec toute l'attention, les précautions et la ténacité dont
François Garde va faire preuve dans un second temps.
L'intervention d'un tiers est le plus souvent nécessaire pour éviter l'enlisement de ce jeu de dissimulation inquiétant par le poids de l'interdit originel qui crée la tentation de s'arrêter en chemin, de s'accommoder du dévoilement atteint sans questionner les faits. Là s'arrête tant de textes dont l'auteur.rice se satisfait mais qui laisse à son lectorat un goût de « Tout ça pour ça ? », la sensation étrange que quelque chose échappe, qui serait présent dans les éléments donnés mais qu'une question ne parviendrait à relier.
Le livre de
François Garde, lui, va jusqu'au bout à pas assurés et respectueux des êtres, laissant apparaître pour ses lecteur.rices l'ultime question sans la poser, par choix ou parce qu'elle lui échappe… Et ce livre là dont la lecture fut passionnante laisse alors sa trace.