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Critique de Folfaerie


Je remercie chaleureusement l'équipe de Babelio et les éditions de L'Herne. Grâce à eux j'ai enfin découvert Elisabeth Gaskell. Je ne sais absolument pas comment j'ai pu ignorer le nom de cette contemporaine de DIckens pendant si longtemps, c'est un mystère...

Ce gros roman de plus de 600 pages est demeuré inachevé en raison du décès de la romancière. L'éditeur a néanmoins ajouté quelques lignes pour nous permettre de connaître le dénouement de cette histoire.

Si on aime Charles Dickens et Jane Austen, on ne peut être qu'enthousiaste devant l'oeuvre d'Elizabeth Gaskell qui se trouve être à mi-chemin entre ces deux univers.

L'écrivain nous fait entrer dans l'intimité de la famille Gibson. le père est un médecin de campagne veuf (homme de bon sens et à l'humour sarcastique) qui élève seul sa fille Molly, jeune personne douce, aimable a priori un peu fade qui sait faire preuve d'une belle indépendance de caractère en quelques occasions. le lecteur va les suivre durant quelques années. Molly devient une jeune fille, elle va connaître les premiers élans du coeur, tandis que son père décide de se remarier avec une veuve frivole et coquette, elle-même mère d'une jeune fille, Cynthia, de l'âge de Molly. La vie de Hollingford, cette petite bourgade du début du XIXème siècle, est réglée sur celle des occupants de Cumnor Towers, le château des aristocrates locaux.

Le roman est autant une étude de moeurs qu'une histoire d'amour et fourmille de ces mille et un détails de la vie quotidienne qui nous apprennent beaucoup sur la vie des classes moyennes à l'époque victorienne. J'ai longtemps regretté de ne pas avoir connu cette époque, néanmoins je ne l'idéaliserai pas non plus, compte tenu du portrait brossé par Elizabeth Gaskell.

Bien sûr, lorsqu'on est une jeune fille, la vie peut-être délicieuse : les promenades dans la campagne anglaise si charmante, les après-midis passés autour d'un thé, les soirées à jouer aux cartes, les brefs séjours à Londres ou chez des amis plus fortunés... mais il y a le revers de la médaille. Tout est si codifié en société... s'habiller pour telle occasion, respecter une certaine heure pour les repas (impossible de songer à manger quand on a faim, oh non), le décorum, la façon dont vous parlez à une personne, le strict respect des convenances, sans compter que dans une petite bourgade comme Hollington, tout se sait. Vous êtes épiée par vos voisins si complaisants, votre toilette est sujette à commentaires, vous ne pouvez fréquenter un homme ou parler à une tierce personne sans que la moitié de la ville soit au courant. Ne courez pas, ne riez pas trop fort, souriez sans cesse, acquiescez plusieurs fois dans une conversation... et vous serez estimée. Quel fardeau cela devait être pour certaines femmes. Cette constante surveillance, cette maîtrise de soi indispensable. L'auteur parvient fort bien à restituer tous ces petits désagréments à travers plusieurs personnages.

Un autre point, non moins important, est abordé : l'argent. On sait déjà, depuis Jane Austen, qu'un domaine ne pouvait échoir à une fille et que l'hériter devait nécessairement être un homme. S'il n'y avait pas de fils, on allait chercher un neveu ou un cousin éloigné. La principale préoccupation de toute jeune fille n'ayant pas de frère, était de trouver un mari possédant des revenus suffisants. A travers le personnage de Cynthia, l'auteur évoque les problèmes qui pouvaient se poser aux jeunes filles pauvres mais capables de se maintenir dans un certain milieu social : les contraintes et les sacrifices, les faux-pas et les erreurs étaient sans doute plus courants qu'on ne l'imagine.

Mais les hommes étaient-ils mieux lotis ? Parmi les intimes de la famille Gibson se trouve le Squire Hamley et sa famille. Il a deux fils qui vont à l'université. L'un, Roger, semble être d'une intelligence moyenne mais sait s'occuper du domaine familial et montre du bon sens, l'autre, Osborne, est un jeune dandy, élégant, à qui tout semble réussir, d'une sensibilité et d'une érudition supérieures... Les événements démentiront ces apparences. le fils aîné dépend encore de son père pour subsister à ses besoins, situation inconfortable, et rarement évoqué dans les romans se situant à l'époque victorienne.

Molly est l'élément central, le fil conducteur entre tous ces personnages. Douce et réservée, elle sait se faire apprécier non seulement de son voisinage mais aussi de Lord et Lady Cumnor (qui se croient perpétuellement obligés de mettre le nez dans les affaires du bon peuple de Hollingford) et du Squire Hamley, homme bourru aux idées fort étroites mais généreux. J'avoue que j'ai pensé plus d'une fois au personnage de Lady Catherine de Burgh dans Orgueil et préjugés, même si Lady Cumnor est bien moins tranchante. A noter également, quelques considérations politiques sur les Tories et les Wighs qui expliquent en partie l'antagonisme entre Hamley et les Cumnor.

J'ai particulièrement apprécié les nuances apportées aux personnages, aucun n'étant ni tout noir ni tout blanc, à l'image de la coquette Mrs Gibson, ou du séduisant mais vil Mr Preston. Certes, on pourra peut-être reprocher à Molly de représenter la jeune fille parfaite, qui n'a que de bons côtés et possède presque toutes les qualités, mais l'agacement qu'elle pourrait susciter est finalement gommé par quelques unes de ses décisions qui la rendent plus faillible.

Je suis donc tout à fait ravie de ma découverte, je crois qu'Elizabeth Gaskell va figurer en bonne place dans ma bibliothèque car maintenant, je souhaite découvrir ses autres romans.
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