Histoire d'un fait divers

Il se farfouillait dans l'oreille avec une allumette: elle tambourinait sur la toile cirée (qu'elle rêvait de remplacer par une nappe). Il pétait.
- Tu pourrais aller faire ça ailleurs !
Il se demandait où.

ça lui fait tout drôle. Il ne comprend pas encore qu'il puisse être marié et surtout que cette belle fille soit sa femme, sa femme à lui (...) Il fait la différence: il se trouve l'air gauche, petit garçon (...) Elle, au contraire, paraît tellement sûre d'elle!

Il est des gens qui parlent avec pitié de la mine et du travail qu’on y fait, de la fatigue que ce « dur labeur », comme ils disent, représente. Pourtant, quelle existence de mineur comporte une journée aussi exténuante que celle qu’on passe à galoper dans Paris ?
P. 92

Lucien n'était pas fort. Sauf aux moments où il s'abandonnait à ses grandes colères. Cela n'arrivait pas souvent, mais, après, il en éprouvait une horreur découragée, du dégoût de lui, puis des autres qui avaient provoqué cette colère : il savait en effet qu'il n'y était pour rien, qu'il n'y pouvait rien, que cela lui venait du dehors, émanait d'une force qui le dépassait. (...) Après un remous monstre au creux de l'estomac, il reconnaissait cette colonne tourbillonnante qui montait au-dedans de lui en faisant le vide.

Et pour lui, chaque fois depuis cette première fois, son travail [à la mine ]s’était ramené à deux mouvements : descente, remontée, c’est-à-dire l’angoisse et la délivrance.
(P. 29)

Son enfance et ses premières années de jeune homme se ramenaient ainsi à une trentaine de scènes terribles qui laissaient à ce doux un sentiment d’étonnement, d’horreur, d’inquiétude et la crainte vague de cette puissance étrangère qu’il redoutait de voir commander en lui, à sa place. (p.27)