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Critique de Antyryia



Ils ne sont pas bien dans leur tête les éditeurs de la bête noire. Vous savez ce qu'ils ont fait ? Ils ont tout dégueulassé ma couverture à grand renfort de marqueur noir. Il ne manque que quelques paillettes pour parfaire sa customisation.
 
Avec les filles des autres, l'Américaine Amy Gentry écrit son premier livre, et pour ceux qui ne l'auraient pas compris, c'est un roman à suspense.

Au centre de l'intrigue, la famille Whitaker. Qui se compose d'Anna et Tom, les parents, et de Jane et Julie, leurs deux filles.
Ou pas.
Le prologue évoque leur drame familial, dont le seul témoin était la cadette, Jane. Celle-ci, alors âgée de dix ans, a assisté à l'enlèvement nocturne de sa soeur par un homme armé d'un couteau.
Huit ans plus tard, alors que Jane est exceptionnellement revenue de la faculté pour retrouver ses parents, une jeune femme de vingt et un an, épuisée et déshydratée, sonne à leur porte. Alors que tout espoir était devenu vain, que la famille ne rêvait plus que d'un corps à enterrer pour pouvoir faire son deuil, que les recherches de la police avaient été abandonnées ... Julie est de retour.
S'il s'agit bien d'elle.
La famille serait elle désormais enfin réunie ?

Julie raconte au poste de police ses huit années d'enfer : on l'a vendue, on l'a violée, elle a été emmenée au Mexique pour être de nouveau la simple marchandise d'un baron de la drogue juqu'à parvenir à s'échapper.
Mystérieuse Julie, qui ressemble étrangement à la chanteuse du groupe "Gretchen at Midnight", dont une vidéo datant seulement de quelques mois est visible sur Youtube.
Etrange Julie, qui évoque avec sa mère des souvenirs d'enfance mais qui appréhende que la couleur de ses racines ne devienne visible.
Mais pourquoi mentirait elle ? Pourquoi jouerait elle un rôle ?
Où peut-elle bien se rendre quand elle n'assiste plus à ses séances de psychothérapie ?
 
La lecture du roman d'Amy Gentry, tout en gardant une identité propre, m'a tour à tour fait penser à trois autres thrillers.

Le premier, c'est Hortense de Jacques Expert. Quand Sophie croise Emmanuelle, elle est convaincue de reconnaître sa petite fille, enlevée presque vingt ans plus tôt. Mais Emmanuelle et Hortense ne font elles réellement qu'une ? le lecteur doute. Ici les circonstances ont beau être différentes puisque la fille des Whitaker se présente comme telle, nos hésitations sont similaires. Les indices savamment distillés paraîssent si contradictoires. Dans la peau d'une mère aimante, nous partagerons ses incertitudes pendant un très grand nombre de pages.

Le second, c'est Serre moi fort de Claire Favan. Dans ce roman, nous avions une première partie qui nous décrivait une famille effondrée suite à la disparition de leur fille, famille que portait à bout de bras leur fils adolescent. Ici, c'est la maman Anna qui va sombrer dans l'alcool et la léthargie tandis que son époux Tom va résister et tout mettre en oeuvre pour retrouver leur fille, placardant des affiches géantes de la disparue partout en ville, créant un fonds financier pour permettre de retrouver son aînée. Mais la comparaison ne s'arrête pas là. Dans les deux romans, on se place du point de vue de la famille qui a perdu cet être cher. Dans les deux, cette famille ( ici la mère plus spécifiquement ) marque sa préférence pour l'enfant disparu au détriment de celui qui est toujours là, ce qui donne dans les deux cas droit à des scènes familiales profondément injustes et pourtant criantes de vérité. Enfin, il est question des réunions de soutien dans lesquelles se rendent les familles pour partager leurs espoirs et leur douleur. Même si dans ce groupe, les enfants des autres ( première explication du titre ) n'ont que peu de chance d'être retrouvés comparativement à la médiatisation de l'enlèvement d'une magnifique adolescente.

Enfin, au niveau de la construction, ce livre rappelle Au fond des bois de Karin Slaughter. L'originalité des deux consiste en effet à relater une partie de ce qui s'est passé à rebours. L'histoire chronologique vue par la maman va en effet très vite alterner avec une autre narration, qui sera une autre explication au titre français du roman. Julie - ou la femme souhaitant se faire passer pour Julie - va en effet raconter sa propre histoire ... à rebours. Ce qui est un travail d'orfèvre de la part d'Amy Gentry. Elle livre certaines informations au moment le plus approprié pour faire le lien avec les rebondissements de la trame principale et conclue ces parties en permettant d'introduire un chapitre ... précédent, permettant au lecteur de voyager dans le temps, et d'incarner les filles des autres.
 
Le roman n'est pas exempt de défauts. Les réactions des personnages paraissent parfois discutables, même si le déni d'une mère persuadée d'avoir enfin retrouvé sa fille face aux personnes propageant un doute insidieux se conçoit. Et concernant cette seconde partie à la chronologie inversée, l'essentiel côtoie beaucoup le remplissage. Mais globalement, le suspense fonctionne et si on excepte ces quelques moments de ralentissement, il faut admettre que les pages se tournent avec une certaine frénésie et qu'il nous tarde de pouvoir identifier la pieuse Julie, ou son usurpatrice.

L'originalité de la construction est d'ailleurs à saluer et permet d'insuffler un vent de nouveauté dans les thrillers psychologiques puisque le lecteur aura cette fois à résoudre un puzzle très inhabituel.
Les romans à suspense ont encore de beaux jours devant eux.
 
 
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