On ne sait pas ce que sont devenues les sept autres plaintes gérées par le commissariat de police, ni même si elles ont été transmises au Parquet. S'il y a eu des surveillances mises en place. Des actes d'enquêtes. Ne subsistent de ces agressions sexuelles trois décennies plus tard que quelques rares procès-verbaux retrouvés dans les archives séparées de la police et de la gendarmerie. La justice n'en a conservé aucune trace.
La jeune femme explique à l'inspecteur qu'elle n'a vu son agresseur que de dos. Il mesurait 1 m 70, peut-être l m 75, pas plus. Il était brun avec des cheveux courts. Il portait un blouson sombre. Elle lui précise qu'il lui a touché la poitrine. Mais ce n'est pas évoqué dans le procès-verbal, il est même stipulé l'inverse : « Il ne m'a fait aucun attouchement. » L'inspecteur inscrit « violences » en haut de la plainte. Véronique se souvient qu'elle voulait que sa plainte serve à prévenir d'autres femmes. Cet homme, pense-t-elle alors, sait précisément ce quil fait. Comme si ce n'était pas la première fois.
Au commissariat de Maubeuge, situé à deux rues de la gendarmerie, de l'autre côté du boulevard de l'Europe, l'inspecteur qui prend la plainte qualifie l'agression de « violences légères ». Le récit tel qu'il est formulé sur procès-verbal est expurgé de toute dimension sexuelle. Il n'est plus question de la jupe relevée. La question du mobile n'est pas posée par le policier. Elle l'est indirectement par Eliane, qui s'étonne que rien ne lui ait été dérobé, alors qu'elle portait des bijoux d'une visible valeur aux doigts et aux oreilles, que l'homme n'ait pas non plus touché à son sac à main. Lorsqu'elle est examinée plus tard à l'hôpital par le médecin des urgences, le même médecin qui avait aussi examiné Nadine, quinze jours plus tôt, il ne s'intéresse qu'aux traces de violences physiques : diverses égratignures sur le cuir chevelu, et un traumatisme crânien. Il lui prescrit une ITT de 3 jours. À l'hôpital, comme au commissariat, le caractère sexuel de l'agression disparait. Il est effacé de l'histoire.
Le soir, elle dort désormais avec la lumière et la radio allumée jusqu’au matin.
Cet homme a gâché ma vie. Il a tout bousillé.
Elle égrène les minutes de terreur
Il dit qu’il en profite pour faire les encombrants en chemin.
J’ai bien pensé aller voir quelqu’un. Souvent même. Mais je n’avais pas le temps, je travaillais trop, je vivais à 100 à l’heure.
Cécile et Valérie ne se connaissaient pas. Elles se rencontreront pour la première fois vingt-cinq ans plus tard, sur les bancs des parties civiles de la cour d’assises de Douai. Cécile s’excusera auprès de Valérie ». Seulement agressée, elle culpabilisera en pensant que s’il était parvenu à ses fins avec elle, il n’aurait pas attaqué Valérie, « quelques minutes plus tard.
Quels que soient les résultats de l'examen de l'hymen, ils peuvent toujours se retourner contre la victime. Intact, comme preuve d'absence de viol. Déchiré ou absent, comme preuve de moralité suspecte.