Un livre intéressant pour comprendre comme un Monsieur Tout-le-monde peut, d'un coup, basculer (avec un certain génie et sans armes) dans le banditisme par la faute d'une goutte d'eau qui a fait déborder le vase.
Alice Géraud est journaliste. Elle a l'habitude de couvrir l'actualité et notamment les faits divers. Elle s'est donc intéressée dans ce livre publié en 2011 à la situation de Toni Musulin, convoyeur de fonds sans histoire de 39 ans de la société Loomis qui, le 5 novembre 2009, dérobe à la barbe de ses collègues et de son employeur 11,6 millions d'euros.
L'auteure a mené l'enquête, s'est inspirée de la teneur des procès-verbaux d'arrestation, d'instruction puis de jugement, a étudié la presse de l'époque qui a beaucoup écrit n'importe quoi dressant ici ou là des portraits erronés de l'intéressé, tantôt "Robin des bois" d'un nouveau genre, tantôt "Arsène Lupin du XXIe siècle", tantôt malfrat ayant des accointances avec la pègre de son pays d'origine, la Serbie. Mais surtout, elle a tenu à rencontrer en personne Toni Musulin dans la maison d'arrêt de Corbas, près de Lyon, dans laquelle il a été incarcéré pour cinq ans. Pour entendre sa version des faits (il est quasiment resté mutique lors de sa garde à vue, lors des auditions du juge d'instruction et pendant son procès) et comprendre le pourquoi et le comment d'un tel passage à l'acte.
Le livre se décompose en différents chapitres évoquant diverses thématiques d'avant, pendant, après les faits. Au travers des faits ainsi replacés dans leur contexte, on comprend mieux le fonctionnement (ou plutôt le dysfonctionnement) des sociétés de convoyage de fonds, l'esprit de vengeance qui a pu animer l'intéressé face à l'humiliation récurrente qu'il a subie de la part de son employeur et des petits chefs au-dessus de lui, la façon dont le casse a été rendu possible, les conditions de la cavale de l'intéressé et les circonstances de sa reddition à Monaco. A travers ses mots, on a également une vision assez précise du fonctionnement d'une prison, du traumatisme que peut représenter une incarcération à l'isolement, mais aussi de la force de caractère de l'intéressé qui, patiemment, attend d'en sortir.
Il reste que sur les 11,6 millions d'euros volés, manquent à l'appel quelque 2,5 millions d'euros. Est-ce Toni Musulin qui les a cachés quelque part en France ou en Croatie ? Ont-ils été prélevés (et par qui ?) au moment de leur découverte dans la cache ? Cela reste un mystère non élucidé à ce jour.
Recherches faites sur Internet, il semble que Toni Musulin, sorti de prison depuis de nombreuses années, ait fait l'objet en juin 2019 d'une garde à vue puis d'une enquête de police en Angleterre (toujours en cours ?) après avoir tenté de changer en livres sterling une importante somme.
En savoir plus : un téléfilm a été réalisé en 2011 sous le titre : "1, 2, 3 voleurs" et une adaptation cinématographique a été réalisée en 2013 avec
François Cluzet dans le rôle de Toni Musilin.