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Critique de Dandine


Ce livre est un kaddish.
Pas le kaddish que recitent les hommes juifs endeuilles.
Ce kaddish est declame par une femme, non juive, une “gentil".
Pas le kaddish traditionnel sanctifiant le nom de Dieu: “Magnifie et sanctifie soit le Grand Nom dans le monde qu'il a cree selon sa volonte etc.”
Pas son pendant chretien: “Notre pere qui es aux cieux que ton nom soit sanctifie etc.”.
Un kaddish laic qui s'en prend aux cieux aveugles aux souffrances des hommes, aux cieux sourds a leurs cris.
Pas un kaddish particulier dit pour un pere ou une mere disparus.
Un kaddish elargi aux disparus d'ici et d'ailleurs, d'hier d'aujourd'hui et de demain. Les miens et les tiens. Les notres.
Un kaddish elargi aux souffrants et aux souffrantes, pendant leurs vies et apres leurs morts.
Un kaddish elargi aux pensees des souffrants.
Un kaddish elargi aux textes des souffrants.
Un kaddish pour l'ecrivain Bruno Schulz tue d'une balle dans le dos au ghetto de Drohovycz; pour Franta Bass, un gosse qui ecrivait de petits poemes a Terezin, le ghetto-modele de triste memoire; pour le pere de l'autrice, mort a Paris dans le quartier d'Auteuil; pour Sarah, la fillette hebetee par la faim et la misere, que photographia en Galicie Roman Vischniak; pour Saint Jean Nepomucene, torture et noye pour s'etre oppose a un empereur; pour le heros de la nouvelle de Kafka: “A cheval sur le seau a charbon”, qui vole sur son seau vide: “derriere moi le poele impitoyable, devant moi le ciel qui ne l'est pas moins”; pour les amants abandonnes, pour les amantes desertees; pour les maisons delabrees, les quartiers degrades et les gens qui y habitent; pour tous les hommes, “jusqu'a l'homme denomme et dechu pour avoir trop bafoue, trahi, meurtri ceux de sa race, race unique a travers toute la terre”.

Un kaddish recite a Prague. Chante en deambulant a travers ses quartiers. Un kaddish-poeme. Qui sied a Prague, ville-poeme.

J'ai lu ce texte poetique, ce poeme-kaddish, incite par Lectuur. Je la remercie.
Je l'ai lu assis, chez moi, a la lumiere d'une lampe. J'aimerais pouvoir le relire debout, a Prague, devant l'Altneuschule, la synagogue Vieille-Nouvelle. Une synagogue aujourd'hui a demi enfoncee par rapport a la chaussee. La synagogue qu'evoquait Jiri Weil, sans la nommer, dans Vivre avec une etoile, quand, pour une fois reuni avec les restants de sa communaute, il murmurait: “Des profondeurs je t'invoque, O Eternel!”
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