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Critique de LaBiblidOnee


PAF ! Prends-toi ça, et encore ça. Tends l'autre joue. Voilà. BAM, dans ta face. T'en peux plus, confortablement installée dans ton canapé, sous ton plaid tout doux avec ton café à la vanille ? Ça te secoue trop, ça te remue ? Ben dis-toi que c'est la vie, que parfois elle nous maltraite, que certains en bavent, qu'on ne leur fait pas de cadeau, qu'ils n'ont pas ta chance. Qu'ils n'ont pas une vie normale, comme les autres gens normaux ; comme toi. Mais c'est quoi une vie normale, c'est quoi être normal ? C'est être le moins possible différent des autres. On est tous différents, oui, mais certains plus que d'autres. Ce n'est pas toujours voulu, ce n'est pas toujours de leur faute. Est-ce un bien, ou un mal ? Un bien sans doute, si les autres étaient bienveillants. Mais le sommes-nous ? Tous ? Tout le temps ? Ou la différence nous gêne-t-elle ? Nous fait-elle peur ? Pourquoi veut-on la gommer, ou la stigmatiser ? Pourquoi toujours enfoncer au lieu d'aider, au lieu d'aimer ? Pourquoi ne pas chercher à connaître, à comprendre. A tolérer. A apprendre.


Après un tel roman, on en pleurerait de cette bêtise humaine si répandue, si « normale ». Si tolérée, elle, au quotidien. On prend des claques dans ce livre, mais ce n'est rien à côté de ce que subissent les personnages. Les hommes, comme les femmes. Mais surtout deux hommes, deux frères de galères qui au départ ne se connaissent pas. D'abord Lennie, « le doux colosse aux mains dévastatrices », comme l'écrit Joseph KESSEL en préface du roman « Des souris et des Hommes » de Steinbeck : Stigmatisé par le village pour être coupable de retard mental, maltraité par les autres à qui il ne veut pas faire de mal alors qu'il pourrait… Mais jusqu'à quand pourra-t-il encaisser, et que se passera-t-il alors, pour les autres et pour lui ? Et puis Jorge, stigmatisé pour un crime qu'il n'a pas commis, coupable de rien mais tenu pour responsable de tout. Enfin coupable de rien, ça, c'était avant de sortir de prison. Parce que la prison, ça vous change un homme, et qui sait l'homme qu'il est devenu à présent…? Alors quand un meurtre est commis dans le village à son retour, devinez où tout le monde regarde ?


Pour ne pas sombrer, tous deux rêvent de partir à Glen Affric, leur Paradis. Mais le paradis, est-il accessible aux vivants…?


Dans ce roman magnifique et intense en émotions comme en suspense, Karine Giebel tisse sa trame à l'aide courts chapitres qui dévoilent au compte-goutte les vies de chacun de ses deux personnages principaux, du village, de la prison, mais aussi de quelques inconnus qui nous laissent entrevoir une troisième voie plus mystérieuse… Elle multiplie les fausses pistes et les frayeurs qu'elle tisse bien serrées avec quelques joies et relations salvatrices - très peu, juste assez pour que les personnages aient envie de s'accrocher encore un peu, et que le lecteur espère qu'ils s'accrocheront assez longtemps pour obtenir la fin heureuse qu'ils méritent… Alors le lecteur s'accroche, lui aussi ; il leur doit bien ça à ces personnages, qui en prennent plein la tête pour lui. Et Karine Giebel, qui ne veut pas décourager ce lecteur sensible, sait lui offrir en échange des chapitres courts, pour que la violence s'arrête lorsqu'elle devient insupportable, que notre regard puisse se porter ailleurs lorsqu'on commence à vouloir fermer les yeux ou le livre, que l'on respire quand les coups nous coupent le souffle ; Elle sait aussi doser les bons moments, pour ne pas trop nous faire espérer, parce que la vie, parfois, c'est tout pourri et que l'on peut tomber de haut. Alors elle dose. Durant 760 pages elle nous fait souffrir, respirer, souffrir encore, détourner les yeux, souffrir puis rire enfin, souffrir mais aimer, aimer encore, aimer de nouveau, aimer toujours… Et espérer aussi. Si vous aimez les montagnes russes, ce thriller est fait pour vous : même si vous en percevez les ficèles, vous vous attacherez certainement aux personnages, humains, palpables. Beaux. Vous aussi, vous voudrez qu'ils s'en sortent. Un roman qui montre comment la justice peut créer l'injustice et comment les rêves deviennent cauchemars…
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