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Critique de LaBiblidOnee


You've got a mail.


de : Onee
à : annette55@libre.fr


OBJET : Divine idylle…


Ma Chère Annette,


Je t'écris tardivement, mais je ne pouvais plus m'extraire de « quand souffle le vent du nord », de Glattauer. Est-ce que tu l'as lu ? Il raconte une dangereuse liaison par correspondance électronique… entre deux personnages qui ne se sont jamais vus ! Dit comme ça, ça sonne comme le remake d'un classique ou une bluette vite oubliée. Mais Wow, Annette. C'était tellement intense. J'ai tout vécu avec les personnages : mon coeur battait avec le leur à chaque message reçu, je me posais mille questions quand la réponse se faisait attendre, je décryptais chaque mot avec les protagonistes pour tenter d'imaginer les pensées de l'autre ; j'essayais de me faire une image précise de leur personnalité - et même de leur physique - à travers leurs échanges. Idiot et impossible, n'est-ce pas ? Mais n'est-ce pas pourtant ce que l'on fait tous, lorsqu'on écrit à des inconnus ? Comme nous, par exemple ?


En fait je crois que, si j'ai si bien compris les personnages, c'est grâce à Babélio, qui m'a fait éprouver moi-même toutes les joies, les doutes et les émotions intenses que peuvent brasser des correspondances à l'aveugle, les discussions à bâton rompu avec de parfaits inconnus qu'on ne peut pas voir, et qu'on ne rencontrera sans doute jamais. Ici, j'ai amicalement succombé à vos charmes, vous ai imaginé derrière vos mots, vos tournures ; ai ardemment espéré vos réponses, me suis interrogée sur les miennes, et sur vos silences, parfois.
Finalement une belle rencontre littéraire, ça tient parfois à pas grand chose : Les bons mots au bon moment. Comme une rencontre entre deux âmes. Alors imagine lorsque deux âmes, qui n'ont que les mots pour se rencontrer, sont obligées d'exacerber leurs sens pour se cerner, à l'aveugle, comme Emmi et Leo.


Emmi est mariée, a une vie heureuse et des enfants. Pour se désabonner du magazine « Like », elle envoie un mail. Mais l'adresse étant erronée, ce mail parvient à Léo « Leike ». Il lui répond une phrase ironique et polie pour l'informer de l'erreur, à laquelle Emmi-qui-ne-se-laisse-pas-démonter répond sur le même ton. Un échange minuscule et insignifiant, qui aurait pu s'arrêter là - ou même aboutir à une belle amitié pouvant passer, si affinités, de virtuelle à réelle.
Rapidement, on voit en chacun d'eux un ami sympa avec qui plaisanter. Emmi est le vent de fraicheur inattendu qui détourne les idées de Leo après une rupture ; Leo est une île isolée de l'univers familial quotidien d'Emmi, une petite bulle de joie spontanée et inhabituelle, pour elle toute seule. Mais au fil des mots se tisse une toile complexe de sentiments…


Léo est psychologue du langage et réalise une étude sur les mails comme vecteurs de sentiments. Lucide sur ce qui est en train de se passer, il va pourtant succomber à la présence et aux réactions d'Emmi, qui succombera à son tour à ses mots amants. Bien sûr, ces mots comptent, qui évoluent au fil du temps. Bien sûr, se crée un jeu de petites attentions et de séduction, qui s'installe d'autant plus subrepticement qu'il semble inoffensif car… « virtuel ». Mais on ne le dira jamais assez : Il y a toujours de vraies personnes, derrière le virtuel. de vrais coeurs qui battent. « Quand je vois un nouveau mail de vous, mon coeur bat. Aujourd'hui, comme hier et comme il y a sept mois. » Pour autant, bat-il pour la personne fantasmée, ou pour la personne réelle ? Ou encore, par amour du désir d'être aimé, ou pour l'excitation du mystère et de la découverte...?


Et puis il y a aussi cette urgence, qui naît un peu du vecteur mail. Cette proximité qui s'installe au fils de dialogues exclusifs - au sens propre, car lorsqu'ils s'écrivent, il n'y a jamais qu'eux deux dans leur bulle. Ce poison s'immisce de plus en plus violemment dans leur relation : plus qu'une envie, un besoin de réponse instantanée et exclusive, de présence effective de l'autre à ses côtés. Et avec cette urgence vient le manque, dès que l'attente perturbe la dose addictive d'échange dans la journée. Les mails comme des bonbons, cette addiction sucrée qui comble parfois les manques affectifs et les caresses. Ou encore, qui surprend à faire du bien alors que l'on croyait ne manquer de rien. Ce petit lien ténu entre eux, Emmi et Leo ne veulent plus le lâcher, ils s'y accrochent comme des perdus - et perdus, ils le sont bel et bien, ne sachant pas où tout cela va les mener. « Ou cela nous mènera-t-il ? Les choses en général nous mènent où on veut qu'elles nous mènent. Où voulez-vous que cela nous mène, Léo ? »


Si tu savais, ma chère Annette, à quel point j'ai vibré avec les personnages, suis tombée amoureuse, ai été frustrée, perdue, indécise, malheureuse. Hélas, le billet que j'ai écrit était trop dans l'émotion, et ce mail ne rend rien non-plus, ça ne dit pas l'essentiel, qui est le ressenti de chacun. le don de l'auteur, c'est de parvenir à nous faire vivre l'attachement progressif que vivent les personnages, rien qu'en lisant les mêmes messages qu'eux. Comme quoi, on peut vraiment s'attacher à des personnages virtuels… En même temps, n'est-ce pas ce que nous faisons toujours, en tant que lecteurs ?


Bref, troisième lecture de l'année, troisième coup au coeur. Je crois que vos voeux de bonne année livresque sont allés un peu loin… Mon coeur va lâcher ! J'attends de tes nouvelles.
Gros bisous,
Onee.


REP :


Chère Madame. Ou dois-je déjà vous appeler Onee, après avoir lu vos confessions si intimes ?
Votre correcteur d'orthographe semble vous avoir joué un tour pendable. Vous pensiez visiblement vous confier à votre « Chère » amie « Annette55 », alors que vos propos ne sont tombés que dans l'oreille - ou plutôt la boîte mail - d'un modeste boulanger de la Meuse.
« banette55 » est en effet l'adresse de contact de ma boulangerie. Cela dit, ne soyez pas gênée d'avoir dévoilé vos sentiments, pour des personnages imaginaires, à un illustre inconnu. Soyez au contraire assurée que j'ai savouré l'ironie de toute cette histoire, tandis que votre amie n'y aurait certainement vu, comme vous le craigniez, qu'une bluette pétrie de bons sentiments. Soit dit sans vous vexer.
Enfin bref, j'espère ne pas vous avoir découragée de partager vos sentiments avec des inconnus.
Sincèrement,
« Votre Leo » ;-)


RE :


Cher fabriquant de banettes dans la Meuse,
Rendez-vous sur Babélio jeudi prochain pour en discuter.
Vous savez désormais à quelle adresse me trouver.
PS : Lisez ce bouquin avant d'en dire un mot de plus. On ne parle pas de ce qu'on ne connait pas.
Sincèrement,
Onee.


REP :


Je verrai si je peux me libérer.
Mais du coup je me sens un peu obligé de poursuivre cet échange.


RE :


??? Je ne vous retiens pas, si vous avez du pain à faire cuire…


REP :


Ne vous vexez pas si facilement. Je voulais dire que si je dois connaître l'effet d'une discussion avec une inconnue pour avoir le droit d'en parler, vous allez devoir me servir de cobaye ! En ce qui me concerne, c'est ma première fois avec une inconnue ;-)


RE :


Rendez-vous jeudi.
Et lisez ce livre !! J'ai vraiment hâte de connaître votre avis de boulanger, vierge mais déjà tellement blasé. (sans vous vexer).


REP :


:-) Ainsi soit-il, alors ; à jeudi. Quant à savoir si j'aurais lu ce bouquin, même novice à ce jeu je pressens qu'il faut que j'entretienne un voile de mystère…


[un jour plus tard]


REP :


Onee, vous entretenez le mystère, vous aussi ?


[un jour plus tard]


REP :


Ça y est, je parle à une inconnue invisible. Qui ne répond plus. Je parle tout seul, quoi. N'allez pas croire que vous me manquez. C'est une désagréable sensation d'inachevé, c'est tout. Et une lectrice si passionnée ne peut pas laisser cette histoire inachevée, si ?


[un jour plus tard]


REP :


Ok, je laisse tomber le mystère : je me suis procuré le bouquin.


[un jour plus tard]


REP :


Ok Onee, vous avez gagné, le mystère c'est tout pourri, et ce bouquin est pas mal addictif.
Ils vont accepter de se rencontrer alors finalement ?! Bon sang soyez sympa, je cuits des pains toute la nuit et le jour il faut que je dorme un peu, aidez-moi, c'est à cause de vous si j'en suis là, j'avais rien demandé, moi !


[une heure plus tard]


RE :


Bonjour, désolée, je suis de retour. Je crois que vous avez saisi l'idée, vous êtes parfaitement mûr pour apprécier ma bluette maintenant. Mais ne comptez pas sur moi pour dévoiler l'issue mystérieuse de cette histoire, c'est ce qui en fait tout le charme ! Ramenez vos miches jeudi, on a des babélamis à convaincre !!
PS : Je vous ai pas dit, mais y'a une suite. Vous en pensez quoi, je la lis ou je vais être déçue ?


REP :


Non Onee !! Vous m'avez pas embarqué dans une espèce d'histoire sans fin ?


REP :


Onee ???


REP :


Vous êtes impossible, Onee. Envoyez-moi la foutue suite, vous me devez bien ça.
A jeudi.


RE :


Je vous l'enverrai. Si vous pouvez répondre à la question.


REP :


Vous vous prenez pour une sorte de Sphinx ? Quelle question ?


RE :


Le seule, l'unique : Peut-on tomber amoureux par e-mail, d'une personne qu'on n'a jamais rencontrée ?


Ou pour parodier Choderlos de Laclos : Un e-mail est-il le portrait de l'âme ?


Leo vous dirait « OUI », sans hésiter. Mais vous, qu'en pensez-vous ?
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